Blog

La typographie bénéficie de plusieurs mécanismes de protection, du droit de la propriété littéraire et artistique à celui de la concurrence déloyale. Cela n'est pas sans incidences juridiques étonnantes, en particulier pour ce qui concerne les reprints du domaine public comme les innovations permis par les technologies numériques.
Ainsi, le site Songwriters Fonts, lancé par Nicolas Damiens et Julien Sens, permettait de télécharger des polices de caractères conçues en utilisant l’écriture manuscrite de grands artistes musicaux, au premier rang desquels figurent Serge Gainsbourg, Kurt Cobain, David Bowie et John Lennon.
Cette possibilité est proposée aux internautes pour un usage non commercial.

Peu de temps après son apparition, les créateurs du site annonçaient soudainement : « Nous avons lancé le projet SongwritersFonts, une série de polices de caractères crée à partir d’écritures manuscrites de compositeurs célèbres, en tant que projet de conception. L’unique objectif de cette initiative était d’inspirer les musiciens et la prochaine génération de compositeurs à mettre en route leur imagination. Mais, le succès inattendu de ce projet est allé un peu trop loin… Nous avons été contactés par les détenteurs de droits de propriété intellectuelle, et nous sommes tristes d’annoncer que nous devons fermer ce site web pour des raisons légales. Nous sommes désolés de devoir vous dire au revoir. » 
        
Un arrangement viennois

Car, en France, le Code de la propriété intellectuelle désigne expressément au rang des créations protégeables par le droit d'auteur « les œuvres (...) typographiques ».
        
Un traité international spécifique, intitulé « l'Arrangement de Vienne », a même été ratifié par la France. Élaboré en 1973 par onze États, il n'est cependant jamais entré en vigueur en raison d'un nombre insuffisant de ratifications…

Ce sont en premier lieu les polices de caractères qui sont protégées par le droit d'auteur. Il faut relever, à titre indicatif, que sont mentionnés, dans l'Arrangement de Vienne, les « dessins (...) de lettres et alphabets proprement dits avec leurs annexes, telles que les accents et signes de ponctuation, (...) de chiffres et d'autres signes figuratifs, tels que signes conventionnels, symboles et signes scientifiques ».
        
La jurisprudence française a en outre couvert les ornements typographiques tels que les culs-de-lampe, les bandeaux et autres lettrines. L'Arrangement de Vienne évoque même les « bordures, fleurons et vignettes ».
        
Les juges nationaux ont aussi appliqué le droit d’auteur aux compositions typographiques, dont bien évidemment les calligrammes ou encore certains ex-libris. Mais des compositions moins spectaculaires sont tout autant protégées, sous réserve de répondre à la condition d'originalité, ainsi que la Cour de cassation l'a encore rappelé, en 1993.
          
Toute composition originale permet en conséquence à son créateur de s'opposer notamment aux reprints faits sans autorisation. Nombre de reprises de textes tombés dans le domaine public ne peuvent donc s'effectuer que sous réserve d'une recomposition. De plus, il ne faut pas oublier que si la condition d’originalité manque à une composition typographique, l’action sur le terrain de la concurrence déloyale reste toujours possible, comme l'a souligné la Cour de cassation, en 1982.
        
Par surcroît, les œuvres typographiques peuvent être déposées auprès de l'Institut national de la propriété industrielle dans la catégorie des dessins et modèles ou en recourant au droit des marques, par exemple à l'occasion de la création d'un logo issu d'une nouvelle police. 
         
 

Les dernières
actualités