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Pierre Conte : "Nous devons accroître notre pouvoir digital"

Pierre Conte - Photo Olivier Dion

Pierre Conte : "Nous devons accroître notre pouvoir digital"

Le nouveau directeur général d’Editis, qui a décidé de le réorganiser par pôles thématiques, avec de nouveaux dirigeants et un déménagement fin 2019, explique sa stratégie de modernisation du deuxième groupe d’édition français, filiale de l’espagnol Planeta.

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Par Claude Combet,
Fabrice Piault,
Créé le 26.01.2018 à 11h15

Pierre Conte - Editis est un géant qui a beaucoup de force mais qui était un peu en attente, trop immobile. Cela me rend optimiste. Le groupe possède de nombreux atouts : notre actionnaire, Planeta, est du métier, et l’expérience du président d’Editis, Alain Kouck, sans équivalent ; nous sommes leaders dans plusieurs secteurs ; nous disposons d’une puissance industrielle de premier ordre, et d’une puissance commerciale qui nous donne accès à des réseaux où tout le monde ne va pas ; mais surtout, nous avons des marques magnifiques avec Robert Laffont, Plon, Presses de la Cité, Julliard…, et en poche une position de leader qui nous donne un avantage concurrentiel au service des auteurs. Sans oublier notre pôle éducation, très respecté sous la présidence de Catherine Lucet. Sa faiblesse relative vient d’un certain flottement au niveau du projet collectif et de sa gouvernance, et d’une organisation plus sédimentée que dynamique. A l’heure de la transformation fondamentale du marché, nous devons être plus agiles, savoir mutualiser les investissements et habituer nos managers à travailler davantage ensemble.

"Nous ne connaissons pas nos lecteurs, l’ensemble du marché est en retard sur un marketing contemporain, basé sur les data et les contenus."- Photo OLIVIER DION

Cet intérim ne pouvait évidemment constituer une solution pérenne. Il a permis à José Lara de très bien connaître notre entreprise : cela facilite toutes nos discussions. Mon profil témoigne du mandat qu’il m’a confié : la transformation et le développement, d’abord organique et aussi, si nécessaire, en avançant sur des opérations d’acquisition, non pour doublonner nos maisons mais pour nous faire grandir en nous ouvrant à des secteurs d’édition différents et des technologies nouvelles. Nous allons renforcer ce qui relève de l’illustré, la BD, la jeunesse, le pratique. Et nous devons accroître notre pouvoir digital, en termes d’édition, de services et de marketing. Le métier premier d’éditeur ne change pas, mais nous devons l’intégrer dans un environnement transformé.

Le projet procède du plan de développement présenté à Planeta à la mi-décembre, et qui se traduira d’ailleurs par d’autres annonces d’ici à l’été. Aux côtés des éditions Robert Laffont, présidées par Cécile Boyer-Runge, et d’Univers Poche, présidé par Marie-Christine Conchon, nous avions deux pôles hybrides, avec à la fois de la littérature et de l’illustré pratique, tourisme et jeunesse. Sur ces derniers secteurs, nous avons des parts de marché inférieures à celle de la littérature générale. Nous avons voulu créer un champion avec Edi8 en transférant Lonely Planet, Solar et Slalom pour rejoindre notamment First, Gründ et Tana. De son côté, avec le rapprochement de Plon, Perrin, Presses de la Cité, Belfond et le Cherche Midi, Place des éditeurs deviendra un nouveau pôle dédié à 100 % à la littérature et à l’histoire.

On n’avance quand même pas comme un régiment prussien. Les Escales ont été créées par Vincent Barbare. Il a souhaité continuer à les piloter : c’est légitime. Si tout n’est pas parfaitement rangé, nos grands pôles d’édition ont désormais une mission fondamentale claire qui permettra à la trentaine de maisons qu’ils fédèrent de cultiver leur personnalité propre.

C’est vrai. XO, Sonatine et La Découverte, à la tête de laquelle nous venons de nommer Stéphanie Chevrier, sont des différences assumées. La personnalité de leurs dirigeants ou leur ADN original les motivent toujours.

C’est un privilège d’avoir dans un groupe quelqu’un comme Benoît. Il a une expérience multiple et a occupé une fonction aussi importante que celle de directeur du Livre. Il peut nous accompagner sur des sujets institutionnels comme sur les thèmes les plus disruptifs de l’édition. Il m’aide beaucoup.

C’est la dernière fois que je réponds sur Guillaume Musso (sourire) : ce fut un choc pour la maison, mais les auteurs sont libres. Guillaume Musso est un écrivain hors normes. Pocket défendra avec beaucoup de professionnalisme son prochain poche. Son grand format ne représentait chez nous que moins de 2 % de notre chiffre d’affaires. Nous pouvons l’absorber. Et personne ne peut enlever à Bernard Fixot le mérite de l’avoir découvert et d’avoir contribué à sa réussite. Son départ va libérer bien des énergies pour bien d’autres talents.

Ce n’est pas une stratégie. J’ai travaillé avec Sofia. Elle a les qualités, la culture et le réseau pour être une formidable dirigeante de Place des éditeurs. Pour le marketing, oui, c’est une volonté : nous ne connaissons pas nos lecteurs, l’ensemble du marché est en retard sur un marketing contemporain, basé sur les data et les contenus. Avec Cécile, nous recrutons une grande professionnelle dans ces disciplines. Nous avons besoin en amont d’éléments de compréhension et d’anticipation pour nos éditeurs, et en aval d’actions marketing plus pointues et plus efficaces. L’écosystème de marketing par les contenus qu’a développé Mollat à Bordeaux m’inspire beaucoup.

Sous la direction d’Eric Levy, Olivier Fornaro a fait un travail formidable. Il quitte l’entreprise pour mener à bien un projet personnel. Il est remplacé en interne par Marie-Pierre Sangouard, qui connaît parfaitement les rouages du secteur. Je suis un homme de commerce et j’ai la conviction que notre structure commerciale doit être toujours plus souple pour s’adapter constamment aux clients. Interforum a mis en ligne cette semaine un nouveau site au service des libraires, un outil de deuxième génération, plus ergonomique, personnalisable, dont la principale innovation est la prise de commande des nouveautés. Nous en attendons aussi une fluidification du réassort.

La mutation de la distribution est par ailleurs en cours avec le projet Copernics. Nous avons battu des records en décembre et nous serons en zone de production maximale cette année.

Nous avons des contrats de moyen terme solides avec La Martinière, que nous poursuivrons avec Média-Participations. Nous devons à ces maisons un service impeccable. C’est notre mission de tous les jours et pas par crainte du lendemain.

C’est un raisonnement désuet, dépassé dans le domaine digital. Lisez ! est un portail qui fédère les sites de toutes les maisons du groupe. Le lecteur internaute a la liberté de faire des recherches selon quatre axes : par auteurs (sur tous supports), par genres, par maisons et par collections. Il correspond à ce qu’est l’univers digital aujourd’hui. On ne peut plus se permettre des microsites. La profondeur du fonds génère le référencement naturel. Il faut être sélectionné dans les premières pages des smartphones et seule la puissance crée un bassin suffisant de données. Tous les grands groupes de presse ont adopté ce modèle en fédérant leurs marques.

Oui. Nous croyons beaucoup à l’avenir de ce support. Nous investissons près de 2 millions d’euros dans la constitution d’un fonds, la création audio et marketing, et une équipe dédiée. Le label Lizzie sera lancé à l’été et marquera la volonté d’Editis de devenir un leader de ce marché. Il sera piloté par Marie-Christine Conchon.

L’immeuble du 92, avenue de France est à mi-chemin de la BNF et de la Station F, tout un symbole. Il accueillera près de 1 400 personnes sur 20 000 m2 utiles, dont les équipes du pôle Education et Référence, actuellement porte de Gentilly. Le quartier est vivant et en plein développement. Nous allons en faire un lieu où nos collaborateurs pourront s’épanouir dans un bâtiment intelligent, privilégiant les espaces de partage, doté des dernières technologies, dont un studio de production audiovisuelle, et avec en projet une pépinière de start-up proches de nos activités, qui côtoiera des ateliers d’écriture.

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