15 avril > BD Croatie

Mister Morgen, c’est Monsieur Matin ou Monsieur Demain, le mot a les deux sens en allemand. Mais le premier livre d’Igor Hofbauer ne propose pas plus de petit matin ou de lendemain qui chante qu’il ne postule un grand soir. Le dessinateur et affichiste croate projette en cinéaste, en noir, gris et rouge, un univers apocalyptique surgi des décombres du communisme. D’usines désaffectées, de cités déshumanisées, de rivières polluées, de terrains vagues balayés par des fumées toxiques émergent des personnages effrayants. Mi-hommes, mi-bêtes, zombies peut-être, à la fois victimes et bourreaux, ils sont, dans une nuit qui semble ne jamais pouvoir finir, les produits cabossés et malades d’un monde à l’agonie.

Un prologue surréaliste livre par flashs un avant-goût de ce qui va suivre. Igor Hofbauer déroule onze récits d’inégale longueur, des cauchemars qui s’entrecroisent, ressassant des obsessions macabres : difformité, infection, animalité, cannibalisme. Quelques personnages - un mystérieux gardien de zoo, un obèse, un SDF - apparaissent dans plusieurs histoires. Passe aussi la figure de Staline.

Dans "Olympia", par exemple, une star déchue vit recluse dans une cage avec ses souvenirs, son fils la recherche. Il est question d’amour et de haine, de vengeance, portés à leur paroxysme. "Injustice" traite du travail en usine, de sexe, de voyeurisme, de délation ; "La salive de Dezmond" d’épidémie, d’hallucination collective, de folie. Jamais pourtant ne s’impose une interprétation unique. Seules subsistent des trajectoires dévoyées dans un monde tordu et opaque. Fabrice Piault

08.04 2016

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