2 mai > Essai illustré Pays-Bas

Parmi les événements et les publications qui commémorent le 500e anniversaire de la mort de Hieronymus Bosch (1450-1516), ce livre-ci est tout à fait exceptionnel. D’abord par son auteur, Cees Nooteboom (né en 1933), Flamand comme son sujet, et l’un des plus grands écrivains contemporains. Par sa forme, très personnelle : Nooteboom a choisi d’évoquer le peintre à travers cinq de ses chefs-d’œuvre, qu’il est allé contempler dans les musées où ils sont conservés ou exposés, à Lisbonne, Madrid, Gand et Rotterdam. La tentation de saint Antoine, Le jardin des délices, Saint Jérôme en prière, Le chariot de foin et les fragments d’un Saint Christophe, dont nul spécialiste ne conteste la paternité de l’artiste, membre de l’Illustre Confrérie de Notre-Dame à Bois-le-Duc, sa ville natale, qu’il n’a jamais quittée. Un sixième, en revanche, Le portement de croix, conservé à Gand, a vu son attribution remise en cause récemment, au moment même où Nooteboom travaillait à son livre. Et il n’est pas peu fier de noter que, face au tableau, il avait eu l’intuition de sa différence !

Cette histoire fait l’objet d’un des cinq post-scriptum qui achèvent l’ouvrage. Dont une autre des originalités est que l’écrivain, cherchant à "lire" les tableaux de Bosch, les scrute dans leurs moindres détails, et que ce ne sont que des détails qui en constituent les illustrations, mises en valeur par une maquette inventive, particulièrement réussie.

Invité par le musée du Prado à Madrid pour participer à la réalisation d’un documentaire sur Bosch, Nooteboom a eu le privilège de voyager durant un mois de ville en ville sur la trace des tableaux du peintre. Ce faisant, il s’efforce de comprendre qui fut cet "homme invisible", qui "aura laissé derrière lui tant de choses visibles". Et pourquoi ce brave bourgeois tranquille a passé sa vie à représenter des "choses hors-normes", roches tératomorphiques, monstres, tortures, atrocités, orgies, "ce désastre qui […] s’exhale du chaos du monde comme un avertissement". La critique a voulu y voir un reflet de la grande angoisse spirituelle et des guerres de religion qui marquèrent son époque.

Dans son post-scriptum 4, superbe, Cees Nooteboom rapproche le tableau Saint Christophe portant l’Enfant Jésus de la photo d’un policier turc qui porte le corps d’un petit migrant syrien, noyé sur la côte égéenne : Hieronymus Bosch, notre contemporain.

Jean-Claude Perrier

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