avant-portrait > Bruno Fuligni

Chez lui, non loin de l’Assemblée nationale où il travaille, on ressent immédiatement la passion pour les archives. A côté d’une bibliothèque fournie, avec quelques ouvrages anciens, des boîtes et des dossiers. Pas étonnant qu’il ait contribué à la réédition chez Tallandier, dans la collection "Texto", des six volumes de Vieilles maisons, vieux papiers de G. Lenôtre (1855-1935). Comme l’historien de la Révolution française, Bruno Fuligni exhume des documents recouverts de la poussière de l’oubli des existences bien réelles, avec le goût pour ce que Tallemant des Réaux nommait Historiettes et pour la saveur du temps retrouvé. Ces vieux papiers, il y revient comme dans une friandise, avec une gourmandise sans cesse renouvelée. C’est dans cette paperasse qu’il a redécouvert Philibert Besson, un député à la tête de Professeur Tournesol qui inventa en 1930 une monnaie européenne et auquel il a consacré l’un de ses premiers livres. Une trentaine ont suivi, consacrés à des utopistes, des demi-dingues, des inventeurs de micronations ou des aventuriers de la pensée loufoque comme Ferdinand Lop, candidat à l’élection présidentielle sous la IVe République, qui nommait ses opposants les "anti-Lop" et les indécis les "inter-Lop".

Avec Fuligni, l’Histoire prend des airs de vacances. De ces cartons, il a fait sa valise de représentant en vies minuscules, en destins brisés, en passés recomposés. Il a commencé par les archives de la Préfecture de police de Paris, à l’époque où personne ne s’y intéressait en dehors des généalogistes et des amateurs de crimes. "Je ne suis pas passionné par la violence et on trouve bien d’autres choses sous la plume de ces policiers français qui manifestent un rapport très respectueux à l’écrit. Ces indicateurs, ces mouches nous en disent long sur la vie quotidienne, notamment sur celle des écrivains. Tout le Lagarde et Michard était fiché par la police !" Il en tire un ouvrage en 2006, La police des écrivains (Horay).

Un appétit du passé

Son Histoire amusée des promesses électorales puise dans ces fonds de 1848 à 1914, sa période de prédilection. A l’occasion de la prochaine élection présidentielle, il a prolongé la chronologie jusqu’à aujourd’hui, jusqu’au "J’ai décidé de ne pas être candidat" de François Hollande, qui relève moins d’une promesse que d’un soulagement. Il n’y a pourtant dans la démarche de Fuligni aucune volonté de dauber sur la politique, au contraire. "C’est un livre qui rend hommage à la majesté de la politique. Les premiers qui ont promis le vote des femmes passèrent pour des fous. On voit comment les idées cheminent et se retrouvent vingt ou trente ans plus tard. Ces idées, il faut bien qu’elles s’incarnent, surtout quand elles deviennent des horizons politiques."

Le directeur de la collection "Folle Histoire", chez Prisma, goûte le plaisir des anecdotes. "De 1870 à 1914, on constate la vitalité du débat politique, sa richesse conceptuelle. Il y a un dynamisme démocratique qui pousse à la promesse avec des élites politiques lettrées." Un appétit du passé qui n’interdit pas quelques petites fringales pour le présent.

Laurent Lemire

Bruno Fuligni, Histoire amusée des promesses électorales de 1848 à nos jours, Tallandier. Prix : 19,90 euros ; 330 p. Sortie : 16 février. ISBN : 979-10-210-2344-4.

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