On savait Les Echos très en pointe, parmi les journaux français, pour explorer les possibilités de l’encre électronique. Ils ne sont pas les seuls. Le Monde s’est lui aussi lancé dans l’aventure. Mais beaucoup plus discrètement.   « Ça n’est pas un secret : nous testons, au Monde, l’encre électronique, et nous réfléchissons à ce que son arrivée impliquera d’évolutions dans notre métier, simplement nous ne voyons pas l’utilité de communiquer pour l’instant sur le sujet» explique Bruno Patino. Le président du directoire de Télérama (groupe Le Monde ) est aussi président du Monde Interactif, la filiale Internet du quotidien, dont il fut le directeur général de juillet 2000 à novembre 2003, pour prendre ensuite la direction de Télérama . Mais avant d’intégrer le groupe Le Monde, Bruno Patino fut, de 1997 à 1999, secrétaire général de la branche littérature générale d’Hachette Livre. A ce titre, et parce qu’il est passionné de nouvelles technologies, il avait assisté, dès 1998, à Londres, à l’une des toutes premières démonstrations de l’e-ink, organisée par ses inventeurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT).  « A l’époque , raconte Bruno Patino, la définition était très faible et les lettres faisaient plusieurs centimètres de haut, la dernière fois que je suis allé les voir à Cambridge ils étaient capables de reproduire des icônes, pour l’instant en noir et blanc, mais ils passeront bientôt à la couleur. Les progrès techniques sont donc rapides et considérables, malgré tout le moment n’est pas encore venu, à mon sens, où le papier numérique va débarquer sur le marché. Il ne pourra vraiment s’installer que lorsqu’il présentera toutes les fonctionnalités du papier, plus quelque chose. Or, pour l’instant, quand vous faites l’addition des + et des — , il lui manque des fonctionnalités inouïes. Sa fragilité, notamment, est encore un handicap. Tant que je ne pourrai pas lire l’e-paper aux toilettes, être bousculé dans le métro avec, ou renverser du café dessus, il ne prendra pas auprès des consommateurs. D’autre part, je suis convaincu, mais alors convaincu à un niveau que vous ne pouvez pas imaginer, que laisser le consommateur acheter l’outil n’aura pas de sens. Et sans doute ne l’achètera-t-il pas, d’ailleurs. Ce sont les entreprises de communication — de presse, comme la nôtre — qui le fourniront à leurs lecteurs. Mais, avant d’en arriver là, il faudra que les courbes de prix du papier numérique et du prix du papier journal se soient croisées. Actuellement, le papier journal repart à la hausse, mais pour l’instant, il reste le plus compétitif. Mais un jour, c’est sûr, les courbes se croiseront, et ce jour-là, Le Monde et d’autres pourront fournir l’outil à leurs lecteurs. Sauf qu’aucun analyste n’est capable, aujourd’hui, de prédire quand arrivera ce moment. Enfin, les appareils ne possèdent toujours pas une autonomie satisfaisante. Sony et d’autres constructeurs ont déjà fait des progrès considérables dans ce domaine-là aussi, mais c’est encore insuffisant. » Bref, pour Bruno Patino, inutile d’appâter le grand public avec une technologie qui ne peut pas encore aligner « ni outil de commercialisation, ni mode de connexion éprouvé, ni fonctionnalités supérieures au papier ». Ce qui n’empêche pas qu’il est urgent de s’y intéresser :   « Le New York Times a créé un laboratoire de veille sur le sujet. Tous les grands groupes de presse devront faire de même à brève échéance.  »
15.10 2013

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