De Gobineau à Faurisson, du Protocole des sages de Sion à Mein Kampf en passant par Céline, Rebatet et autres Garaudy, le livre a toujours été un moyen de propagande privilégié des idées les plus nauséabondes. « L’essai » de Richard Millet n’est que la dernière livraison d’une saison, hélas, sans cesse de retour. En cas de poursuites, la justice dispose aujourd’hui d’instruments juridiques nombreux pour rappeler les limites de la fantaisie littéraire aux auteurs, éditeurs et libraires. Il est nécessaire de garder en tête que les qualifications légales envisageables sont toutefois distinctes de ce que le lecteur peut ressentir politiquement et intellectuellement. L’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sanctionne la diffamation envers « une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». L’article 24 vise les provocations «  à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée  ». Il est important de relever que ces provocations sont condamnables qu’elles aient été ou non suivies d’effet. Rappelons aussi que le révisionnisme est désormais poursuivi sur le fondement de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, issu de la loi dite Gayssot du 13 juillet 1990. Le texte permet de poursuivre «  ceux qui auront contesté (...) l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité  ». Quant à l’apologie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou crimes et délits de collaboration avec l’ennemi, elle est aussi visée par la loi de 1881. La jurisprudence est cependant très contrastée, car ces qualifications juridiques peuvent être difficilement transposables à des écrits plus ou moins clairs quand ils sont pris à la lettre et non dans l’esprit. De plus, il ne faut pas oublier que le principe juridique de liberté d’expression prédomine sur ces dispositions issues de la loi, qui doivent donc être interprétées restrictivement. Sans compter les notions, non contenues dans la loi mais utilisées dans le prétoire, de distinction entre fiction et essai, entre écrivain et journaliste, etc. Par ailleurs, la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse dispose en son article 2 que celles-ci « ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion (…) de nature (…) à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques ou sexistes  ». La responsabilité du libraire peut être largement recherchée en cas de commercialisation d’ouvrages litigieux. La loi du 29 juillet 1881 prévoit, en effet, en son article 42, un régime très précis de responsabilité qui vise expressément, à défaut d'identification de l’éditeur, de l'auteur et de l'imprimeur, le « vendeur », au même rang de responsabilité que le « distributeur ». En clair, si une publication jugée raciste est vendue chez un libraire, celui-ci pourra être poursuivi comme responsable principal de l’infraction. Les écrits de Richard Millet ne seront peut-être jamais examinés en justice. En droit, les dispositifs existent ; mais leur application demande une gymnastique intellectuelle si particulière quelle ne permet jamais de se substituer vraiment au raisonnement que suivraient des magistrats.
15.10 2013

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