Littérature

L'auteur type de la rentrée

L'auteur type de la rentrée

Livres Hebdo a passé au crible les profils des 567 auteurs de la rentrée littéraire 2018. Cette enquête dresse un portrait robot de l'écrivain programmé à cette période, un profil qui pourrait évoluer dans les années à venir. _ Par Cécilia Lacour

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Par Cécilia Lacour,
Créé le 31.08.2018 à 19h03

Christophe Boltanski: le journaliste et rédacteur en chef de la revue XXI, qui vient de publier son deuxième roman, Le guetteur, chez Stock, correspond au profil type de l'auteur français de la rentrée littéraire 2018. C'est un homme de 55 ans vivant en France.

Passés au crible par Livres Hebdo, les profils des 567 auteurs programmés cet automne révèlent une parité très imparfaite. Les femmes ne représentent que 39 % des écrivains qui voient leurs ouvrages sortir en librairie entre la mi-août et la fin d'octobre. Ce pourcentage baisse à 34 % dans les rangs des auteurs étrangers.

La relève pourrait toutefois se révéler davantage féminine dans les années à venir. En effet, 48 % des primo-romanciers sont des femmes. Si la plupart des maisons d'édition publient des auteurs masculins, une sur quatre, 45 en tout, propose un catalogue essentiellement féminin.

Le portrait robot de l'auteur de la rentrée littéraire 2018 donne une image figée, mais on observe dans le détail une certaine diversité. D'abord, en termes d'âge. Les auteurs de l'automne ont en moyenne 52 ans, mais la fourchette d'âge va de 22 ans, avec Arthur Nesnidal (La purge, Julliard), à 96 ans avec Michel Peyramaure (Les tentes noires, Calmann-Lévy).

La diversité est aussi géographique. Si les écrivains étrangers viennent logiquement de 50 pays du monde entier, les auteurs francophones représentent tout de même 31 nations, comme la Suisse, la Belgique mais aussi la Roumanie ou la Syrie.

La diversité naît enfin du renouveau des catalogues. Les maisons d'édition présentent 94 primo-romanciers (soit 24,7 % de l'ensemble des auteurs français) et renouvellent leur confiance à 53 autres auteurs, comme Adrien Bosc (Capitaine, Stock), Guy Boley (Quand Dieu boxait en amateur, Grasset) ou Jérémy Fel (Helena, Rivages), qui publient cette année leur second roman.

1. C'est un homme


Sur les 381 titres édités pour la rentrée littéraire française, 232 ont été rédigés par des auteurs de sexe masculin. Les hommes représentent ainsi 61 % des romanciers de l'automne 2018.

Cette proportion est comparable aux données publiées en avril dernier par le Département des études, de la prospective et de statistiques (Deps) du ministère de la Culture. Selon sesChiffres clés de la culture 2018, 59 % des auteurs littéraires français étaient, en 2015, des hommes.

En étant quasiment deux fois plus nombreux que leurs consœurs, les auteurs masculins sont donc plus susceptibles d'être distingués par un des grands prix littéraires d'automne. Pour rappel, 82 % des 503 lauréats des six grands prix, depuis la création du Goncourt en 1903, sont en effet des hommes (1).

Si les femmes sont sous-représentées dans l'ensemble de la production éditoriale de la rentrée, on observe toutefois une répartition quasiment à l'équilibre dans les rangs des primo-romanciers qui comptent 48 % d'auteures. Si la parité parfaite n'est pas encore atteinte, la situation s'est améliorée par rapport à ces dernières années. Entre 2013 et 2017, la part de primo-romancières oscillait entre 33 % et 43 %.


(1) Voir « Les grands prix littéraires en chiffres », LH 1147 du 24.11.2017,


p. 26-27.

2. Il a 55 ans


L'auteur de la rentrée a en moyenne 55 ans et présente un profil équivalent à celui qu'avait établi l'Observatoire du dépôt légal en 2015. La fourchette d'âge est très large. Avec 22 années au compteur, le primo-romancier Arthur Nesnidal, auteur de La purge publié aux éditions Julliard, est l'écrivain le plus jeune de l'automne.

La place de doyen est occupée par Michel Peyramaure, 96 ans, qui publiera chez Calmann-Lévy son 97e roman, Les tentes noires, le 12 septembre.

Les primo-romanciers sont plus jeunes (47 ans en moyenne) mais dépassent tout de même la moyenne d'âge des Français qui, selon l'Insee, atteint la barre des 40 ans en 2018.

Avec une moyenne d'âge de 47 ans, les femmes écrivains sont plus jeunes que leurs homologues masculins. La fourchette d'âge s'étend de 25 ans, avec Loulou Robert (Sujet inconnu, Julliard), à 87 ans, avec Mona Ozouf, dont L'autre George sera édité chez Gallimard le 4 octobre. La moyenne d'âge des auteurs, tous sexes confondus, s'établit à 52 ans.

3. Il vient parfois de loin

PaysAuteurs
France294
Suisse15
Belgique11
Maroc9
Algérie8
Italie4
Tunisie3
Congo3
Sénégal2
Roumanie2
Martinique2
Iran2
Haïti3
Egypte2
Turquie1
Syrie1
Slovaquie1
Québec1
Norvège1
Mauritanie1
Madagascar1
Liban1
Gabon1
Espagne1
Côte d'Ivoire1
Canada1
Cameroun1
Bénin1
Australie1
Allemagne1
Monaco1


Les auteurs de la rentrée viennent de 31 pays différents. Les hommes sont originaires de 26 pays tandis que la localisation des femmes est plus resserrée (14 pays). Les trois pays les plus représentés sont logiquement francophones : France (78 %), Suisse (4 %) et Belgique (3 %). D'autres pays n'ayant pas le français comme langue officielle sont également présents dans la bibliographie comme la Roumanie, l'Iran, la Slovaquie ou encore la Syrie. Si l'Europe concentre 89 % des auteurs de la rentrée répartis dans 11 pays, l'Afrique fournit 9 % des effectifs dispersés dans 12 pays, suivi par le Moyen-Orient et le continent américain, qui comptent dans respectivement quatre et trois pays cinq auteurs chacun. L'Australie est également représentée par la romancière Emmelene Landon, installée en France depuis 1979, qui publiera
Marie Galante chez Gallimard le
11 octobre.

4. L'auteur étranger est un Américain de 54 ans

Les romanciers de la rentrée étrangère présentent un profil proche de celui des francophones. Ils sont majoritairement des hommes (66 %), âgés en moyenne de 54 ans. La fourchette d'âge s'étend de 27 ans, avec Jarid Arraes (Dandara, esclave libre, Anacaona) et Fatima Farheen Mirza (Cette maison est la tienne, Calmann-Lévy), à 93 ans avec l'Italien Fabio Carpi (Edgardo Bona, Portaparole). Cet automne, les écrivains étrangers publient, en moyenne, leur quatrième roman en France. Parmi eux, 64 seront traduits pour la première fois. Ces étrangers que découvrent les lecteurs français sont des hommes (66 %) de 46 ans en moyenne.


Les 186 auteurs de la rentrée étrangère sont issus de 50 pays. Les hommes sont originaires de 42 pays tandis que, comme pour les francophones, les femmes viennent de moins de nations différentes (24 pays). L'Europe est la zone géographique la plus représentée (46 %), devant l'Amérique (37 %), l'Asie (8 %), l'Afrique (4 %), le Moyen-Orient (3 %) et l'Océanie (2 %). Les pays les plus pourvoyeurs d'auteurs sont les Etats-Unis (51), le Royaume-Uni (20), l'Allemagne et l'Italie (10).


Les deux langues les plus représentées sont l'anglais (53 %) et l'allemand (9 %). Vient ensuite l'espagnol (7 %) grâce à l'Amérique centrale et latine. Si l'anglais atteint 74 % des traductions pour l'édition littéraire française 2017 (1), on observe à la rentrée un effacement de l'anglais au profit d'autres langues. Au total, 31 langues sont représentées parmi lesquelles le dari ou encore le yiddish.


(1) Voir « Bilan 2017 : Un niveau record pour les traductions », LH 1164 du 9.3.2018.

5. Sexe, âge : un équilibre délicat


Cet automne, 168 éditeurs participent à la rentrée littéraire française. La plupart d'entre eux (54 %) ont été soucieux de ne pas verser dans la surproduction et ont fait le choix de ne publier qu'un seul ouvrage. C'est notamment le cas de Minuit avec Pauline Delabroy-Allard (Ça raconte Sarah, 6 septembre), d'Héloïse d'Ormesson avec Alain Jaspard qui vient de publier Pleurer des rivières, et de Zulma avec Makenzy Orcel (Maître-Minuit, 4 octobre). À l'inverse, Gallimard détient le record du catalogue le plus fourni cet automne. La maison publie 22 titres dont six premiers romans.

Sur l'ensemble des éditeurs, 28 proposent un catalogue avec un équilibre hommes-femmes parfait. Parmi eux, 21 maisons, comme le Cherche Midi, Fayard ou XO, ne publient que deux titres : l'un écrit par un auteur, et l'autre par une auteure. Avec dix titres dans son catalogue, Stock publie les œuvres de cinq hommes et de cinq femmes. Deux autres éditeurs s'approchent de la parité : Robert Laffont (55 % de femmes), qui propose un nombre impair de romans, et Gallimard (48 % de femmes), pour qui seuls 21 titres sur les 22 publiés sont pris en compte dans le calcul car Une nuit à Manosque, à paraître le 6 septembre, est signé par un collectif de vingt auteurs.

Une majorité de 40-49 ans

45 % des éditeurs ayant au moins deux ouvrages dans leur catalogue publient majoritairement ou uniquement des écrivains de sexe masculin. Parmi eux, 17 (soit 23 % de l'ensemble des éditeurs) ont placé l'intégralité de leur catalogue entre les mains des hommes. À l'inverse, 17 % des maisons donnent l'avantage aux auteurs de sexe féminin. Belfond, Carnets Nord et les Belles Lettres sont les seules maisons à proposer un catalogue exclusivement féminin. Parmi les 91 éditeurs qui ont fait le choix de ne publier qu'un seul titre, 58 proposent un automne 100 % masculin et 33 autres misent sur des auteures féminines.

En étudiant la programmation automnale des éditeurs sous le prisme de l'âge, on observe que ces derniers publient majoritairement des romanciers ayant entre 40 et 49 ans (46 %). Suivent ensuite les tranches d'âge 50-59 ans (28 %) et 60-69 ans (17 %).

Le graphique présenté page suivante corrèle la répartition hommes-femmes et l'âge moyen des auteurs pour chaque éditeur qui propose au moins trois titres pour cette rentrée littéraire. On constate que onze maisons font la part belle aux hommes de 50 ans ou plus. Dix éditeurs accompagnent des auteurs de moins de 50 ans.

Côté femmes, les écrivaines de 50 ans et plus sont publiées chez sept éditeurs tandis que les plus jeunes (moins de 50 ans) sont présentes chez cinq éditeurs.

42 % des auteurs publient leur premier ou leur second roman

En moyenne, les auteurs de la rentrée publient cet automne leur 6e ouvrage. Misant sur des écrivains aguerris, les éditeurs n'en laissent pas moins la place à de nouvelles signatures. Sur les 381 titres français édités pour la rentrée, 94 sont l'œuvre de primo-romanciers. Ces derniers représentent ainsi un quart de la production. Parmi les 71 éditeurs qui ont choisi de donner leur chance à ces nouveaux écrivains, 32 proposent un catalogue intégralement composé de primo-romanciers (19 % du nombre total des éditeurs).

Ces primo-romanciers sont principalement issus des univers du journalisme, de l'enseignement et du cinéma, même si certains occupent des fonctions plus inattendues. Philippe Peyron (Le bonheur en bas de chez moi, Pierre Philippe) est par exemple moniteur d'auto-école, François-Xavier Delmas (Ma vie de saint, Anne Carrière) a fondé et dirige toujours le Palais des thés, tandis que Laure Arcelin (Un écrivain, Robert Laffont) est consultante juridique au ministère de la Santé.

A ces primo-romanciers s'ajoutent 53 écrivains qui publient leur deuxième roman chez 39 éditeurs. Avec eux, la proportion des « nouveaux auteurs » grimpe à 42 %. Parmi ces nouvelles voix de la littérature française, près d'un quart (23 %) ont été distinguées par un prix littéraire pour leur premier roman. Cinq d'entre elles avaient reçu au moins trois prix : Guy Boley (Fils du feu, Grasset, 2016), Christophe Boltanski (La cache, Stock, 2015), Elisa Shua Dusapin (Hiver à Sokcho, Zoé, 2016), Adrien Bosc (Constellation, Stock, 2014) et Jérémy Fel (Les loups à leur porte, Rivages, 2015).

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