4 janvier > Premier roman France > Marine Westphal

Sali prend soin depuis plusieurs mois de Bartolomeo dit Lo Meo, son compagnon depuis trente-six ans, qui gît sur le lit médicalisé installé dans le salon de leur maison d’un hameau des Pyrénées. Victime d’un accident vasculaire cérébral au cours d’une marche de reconnaissance sur un sentier de montagne, ce "garde-moniteur de la réserve naturelle" est rentré chez lui après l’hôpital, vivant certes mais "tête sans lumière, corps chiffon, passé gommé". Auprès de cet homme de 58 ans inerte se relaient deux infirmières dont Olga la Catalane, efficace et directe, qui par ses remarques "cinglantes et spontanées" anticipe la fin. Sentinelle épuisée, "les yeux secs de ne plus savoir dormir", sa femme ne veut pas le quitter un instant. Pas même pour s’abandonner quelques minutes au sommeil ou se laver les cheveux. La pièce à vivre est devenue une chambre à mourir, où Sali scrute son compagnon en se demandant ce qu’il attend d’elle. Et le veiller tant que la vie est encore là, c’est aussi voir surgir les images de l’homme qu’il a été, du couple qu’ils ont formé, des deux enfants qu’ils ont élevés : Maïa et Gabin qui, chacun à sa façon, vivent douloureusement l’infirmité définitive de leur père et la détresse dévouée de leur mère. Le récit se détourne à plusieurs reprises pour ouvrir une fenêtre sur leurs vies, celle de l’aînée qui vit loin, jeune femme devenue "carnivore depuis l’accident de son père", consommant des garçons comme antidépresseurs.

Pour ne pas attendre passivement l’inévitable, déterminée à "sauver sa mort, puisqu’elle ne pouvait sauver sa vie", Sali va échafauder un plan un peu fou qu’elle va mettre en œuvre à l’insu de tous.

Ce drame ordinaire inspire à Marine Westphal un texte d’une paradoxale vigueur. Lauréate du concours George-Sand pour une nouvelle, l’auteur de 26 ans est infirmière, et ce premier roman tire son authenticité de cette donnée biographique. Pour autant, il n’a ni le ton d’un traité militant sur le droit de mourir dans la dignité, ni celui d’un manuel d’assistance médicale pour la fin de vie. Il raconte avec sensibilité et franchise un dernier acte d’amour, un généreux geste d’adieu.

Véronique Rossignol

09.12 2016

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