2 avril > Roman Canada

Franklin Starlight, un jeune Indien de 16 ans, a grandi dans les montagnes de la Colombie-Britannique, au sud-ouest du Canada, élevé par un fermier blanc qui lui a tout appris : à tenir un fusil, à pister un animal et même à déterminer le sexe d’un coyote à partir d’une empreinte presque invisible, les savoirs primitifs de la forêt autant qu’une morale de vie faite de valeurs métissées. C’est ce tuteur, "le vieil homme", qui incite l’adolescent à se rendre au chevet de son père, un alcoolique au bout du rouleau, qui attend sa fin dans la pension minable d’une ville papetière proche. Le mourant a une étrange requête : que ce fils inconnu l’aide à atteindre une vallée à une soixantaine de kilomètres de là, où il voudrait être enterré assis et face à l’est "comme un guerrier", selon la coutume de leurs ancêtres ojibwés. Père et fils se mettent en route avec pour tout ravitaillement quelques bouteilles de gnôle, des hameçons et des cordes. Selon des rôles inversés, le premier est porté par une vieille jument, le fils assurant la survie dans une nature à la fois familière et sauvage.

Mais le père est là en réalité pour s’acquitter d’une dette, et sa confession est comme une ultime offrande qu’il veut faire à ce fils qu’il a d’abord abandonné puis tant de fois déçu. La possible réconciliation, une forme de rédemption passent par le récit. Raconter a ce double pouvoir de panser les blessures de l’adolescent en colmatant les trous de son histoire et de libérer les cauchemars de la gangue de silence dans laquelle le père, vétéran de la guerre de Corée, engagé volontaire à 18 ans, a enfermé les drames, les morts violentes, qui jalonnent sa vie. Lui qui a préféré l’oubli de "ce qui était indien" et a tout noyé dans l’alcool. Les histoires enfin mises en mots sont comme le breuvage pour adoucir l’agonie qu’une femme, croisée sur le chemin, offre aux deux hommes.

Les étoiles s’éteignent à l’aube (Medecine walk, titre original), premier roman traduit en français d’un écrivain indigène canadien déjà largement célébré, est un roman intense sur le besoin de consolation. Le face-à-face entre père et fils est âpre et sans échappatoire, l’adolescent oscillant entre compassion et dureté mais allant toujours droit au but. Et cette dernière marche révèle, dans une forme de rudesse dépouillée, les loyautés et les legs qui fondent les liens. Véronique Rossignol

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