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C’est à Nancy que se réunissaient les directrices et directeurs de bibliothèques de grande ville pour une journée dont a rendu compte Véronique Heurtematte. « Quel modèle de bibliothèque sommes-nous en train de construire ? » était la question à l’ordre du jour. Sans surprise il faudra patienter pour obtenir des réponses claires. Juliette Lenoir qui recevait ses collègues a bien proposé des pistes dans son propos de clôture. Elle a notamment insisté sur la nécessité de faire des choix dans le contexte de moyens décroissants et de besoins nouveaux. Elle soutient les actions d’éditorialisation des contenus mais pas celles d’action culturelle. Elle suggère d’aider les lecteurs à s’orienter dans la masse de l’offre. Cela passe par une relation personnelle que la RFID ou le seul dépôt de livres ne permettent pas. Ces idées suggestives n’ont pas eu le temps d’être débattues et l’auraient mérité. Par exemple, quelle place ces idées (progressivement mises en place à Nancy) accordent-elles à l’autonomie que les usagers exercent et revendiquent ?

La difficile autocritique de Bruno Racine

Bruno Racine était un invité de marque et, comme l’indiquait le programme, il lui était proposé d’ « évoquer son idée de la bibliothèque et du rôle qu’elle peut jouer dans la cité du futur ». Il est vrai que son récent départ de la BnF aurait pu lui permettre de livrer une réflexion plus libre que quand il était encore en fonction. Hélas, son propos a consisté à expliquer ce qu’il avait essayé d’entreprendre au cours de son mandat, à regarder l'avenir à la lueur de son bilan. Face à la baisse de la fréquentation (notamment du haut-de-Jardin) et à la sous-utilisation croissante des collections, il a évoqué les pistes envisagées. Ainsi la fusion du Rez-de-Jardin et du Haut-de-Jardin ou l’évolution vers la lecture publique qui n’ont pas été mises en œuvre. De même, il aurait bien aimé élargir les horaires d’ouverture via une nocturne une fois par semaine. Il aurait été pour la gratuité et n’a réussi à l’instaurer qu’en offrant l’accès libre à partir de 17h ce qui n’a pas eu beaucoup d’effets a-t-il reconnu.

L'ancien Président de la BnF a peu parlé du numérique. Au lieu d'insister sur l'apport aux usagers qu'offre l'accès numérique aux collections, il a pointé des contraintes rencontrées dans la rénovation des services à proposer sur place.

L’architecture est en effet un obstacle considérable à la mutation de la BnF vers les publics. F. Mitterrand et D. Perrault laissent un héritage bien lourd avec ce bâtiment peu fonctionnel et non modulable. Mais pourquoi confier et accepter de l’architecte cet escalier vertigineux pour le nouvel accès ouvert au cours de son mandat ?

Troisième lieu

Que ce soit à propos des collections, du wifi ou des horaires d’ouverture, il a fait état des réticences des professionnels dans les changements envisagés. Il est bien certain qu’une partie du personnel, relayé par une partie des syndicats, a poussé des cris d’épouvante à l’idée d’une réduction des acquisitions, à l’installation du wifi ou à l’ouverture en soirée ou le dimanche. Mais est-ce bien la majorité des personnels ? Qu’a-t-il été entrepris en matière de sensibilisation des personnels aux questions des publics et de l’avenir des bibliothèques ? La BnF a-t-elle une seule fois organisé une réflexion sur ces questions ? On se souvient que la question des publics avait été évoquée lors d’une journée en décembre 2011 dont plus des ¾ était consacré à l’histoire des relations entre usagers et bibliothèques. Là où des collectivités (je pense par exemples non exhaustifs à Plaine Commune, Grenoble ou Saint-Quentin en Yvelines) ont mené un travail de fond de formation et sensibilisation des équipes aux publics, quelle a été l’action de la BnF ? Comment vouloir orienter les bibliothèques vers l’avenir en laissant les personnels au bord de l’évolution des publics, de ses attentes et de ses pratiques ? Et n'est-ce pas étonnant d’entendre l'ex-Président parler du 3ème lieu alors même que Mathilde Servet, qui a imposé la notion en France, a été employée de la BnF pendant son mandat et devait prendre sur ses congés personnels pour porter ce discours d’avenir aux quatre coins de l’Hexagone ?

Aux oreilles des auditeurs de cette journée, cette intervention contrastait avec la force du discours d’Edouard Philippe, député-maire du Havre. Avec humilité (trop ?) et ferveur il a présenté son action en matière de lecture dans sa commune. Il est bien certain que l’avenir des bibliothèques serait assuré si tous les élus avaient son engagement. Ce n’est hélas pas le cas et il appartient aux bibliothécaires de continuer à réfléchir (avec la BnF ?) pour promouvoir une vision d’avenir en phase avec la population. Cela peut passer par l'implication de la population dans la définition du visage des bibliothèques comme c'est le cas à Helsinki à la fois pour une bibliothèque de quartier comme celle du centre ville. Ce que la directrice adjointe Saara Ihamäki a présenté.
 

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