Olivier Donnat, chargé d’étude au Département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture (DEPS), a réalisé depuis 1973 les éditions successives de l’enquête sur les Pratiques culturelles des Français.

Olivier Donnat - La première chose que je remarque est la relative stabilité de la fréquentation. Dans un contexte de fort développement du numérique, où les usages sur Internet concurrencent les autres pratiques culturelles et de loisir, c’est une surprise. La fréquentation occasionnelle, en hausse dans les bibliothèques, s’observe également dans les autres lieux culturels. Les gens hésitent à prendre un abonnement qui les engage à long terme et veulent plus de souplesse. Cela correspond à une tendance générale lourde qui conduit certains observateurs à parler de société liquide, où tout est plus volatil. Ce qui m’a surpris aussi, c’est qu’il n’y a quasiment pas d’écart entre le nombre d’hommes et le nombre de femmes parmi les usagers. Cela va à l’encontre de toutes les enquêtes réalisées jusqu’à présent sur les pratiques de lecture, qui montrent que les femmes sont plus investies. Peut-être est-ce un signe de progression de la parité ? Un autre élément remarquable est la réduction des écarts entre les catégories socioprofessionnelles. Les cadres, moins présents, ont diversifié leurs pratiques et trouvé des modes d’accès à l’information alternatifs via Internet. Pour les ouvriers, je pense que les actions en direction des demandeurs d’emploi ou des jeunes des quartiers défavorisés ont eu un impact sur la hausse de fréquentation.

Savoir si la fréquentation in situ reste le seul objectif ou si le développement de services en ligne doit devenir une mission des bibliothèques est une question en débat chez les bibliothécaires, mais qui se pose aussi dans les autres lieux culturels. Avant, le public était celui qui se rendait physiquement sur place. Aujourd’hui, beaucoup de personnes regardent des expositions ou des concerts en ligne. Comment prendre en compte ces usagers à distance ? Je pense que ces résultats incitent à renouveler la problématique des publics et à repenser l’offre de services entre ceux sur place et ceux à distance, qui peuvent constituer un moyen d’attirer de nouveaux utilisateurs.

La bibliothèque reste l’équipement culturel de proximité par excellence, dont l’accès est moins inégalitaire que les musées ou les lieux de spectacle vivant. 40 % des Français vont en bibliothèque municipale alors que seuls 20 % se rendent au théâtre. Plus une population est minoritaire, plus elle risque d’être marquée sociologiquement. Ainsi, si le profil de l’ensemble des usagers des bibliothèques est proche de celui de la population française, celui des usagers réguliers est en revanche plus discriminant.

16.06 2017

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