Hommage

François Gèze: "Alain Kouck, un industriel de talent au service de la création éditoriale"

François Gèze - Photo Olivier Dion

François Gèze: "Alain Kouck, un industriel de talent au service de la création éditoriale"

Dans un courrier adressé à Livres Hebdo, François Gèze, P-DG des Editions La Découverte, filiale d'Editis, rend hommage à Alain Kouck, disparu brutalement hier.

Créé le 11.07.2018 à 19h57

Pour toute notre profession, l’annonce de la brutale disparition d’Alain Kouck, le 9 juillet, est un grand choc, tant il occupait une place centrale dans l’écosystème de l’édition et de la librairie qu’il avait contribué à façonner depuis près de quatre décennies. D’autres que moi sauront mieux dire tout ce qu’il a apporté aux équipes qu’il a animées, tout particulièrement au sein d’Editis qu’il dirigeait depuis 2002. Pour ma part, je voudrais seulement apporter un témoignage personnel sur cet homme d’exception que j’ai connu il y a vingt ans, quand les Editions la Découverte, que je dirigeais, ont rejoint Editis. Presque tout, a priori, semblait nous opposer: nos trajectoires professionnelles –lui homme de la distribution et de l’industrie, moi artisan d’une édition d’auteurs souvent sur le fil du rasoir–, nos convictions politiques –lui de droite, moi de gauche–, ainsi que, du moins le pensai-je alors, nos visions différentes de la place des libraires dans la chaîne du livre.

Et pourtant, au fil des années, notre relation s’est tissée d’une confiance réciproque, levant mes appréhensions. En tout premier lieu, grâce au respect absolu qu’il a toujours témoigné face à l’indépendance de nos choix éditoriaux –comme au demeurant ceux de toutes les maisons du groupe. Pour autant que soient tenus les fondamentaux économiques sans lesquels aucune aventure d’édition n’est possible, il a toujours œuvré à préserver cette indépendance: à sa manière, si singulière, il a ainsi établi sur ce point une sorte de "muraille de Chine" entre nos actionnaires successifs et les éditeurs du groupe, dans toute leur diversité. Tout en assurant pour l’essentiel à ces derniers, grâce à ses choix financiers et industriels, une efficacité des services partagés garantissant ce délicat équilibre –même si les débats et les divergences n’ont évidemment pas manqué.

Mais c’est aussi sa connaissance intime de la filière du livre qui m’a marqué. Il a ainsi toujours été impliqué au premier chef dans les outils de l’interprofession, comme Electre et Dilicom, très conscient que leur modernisation est absolument fondamentale pour l’avenir du livre, dont il avait parfaitement compris la "double nature", à la fois objet marchand et support de création. Et il a été particulièrement attentif aux évolutions techniques de l’imprimerie à l’ère numérique, en promouvant par exemple la formidable innovation que représente "Copernics", une imprimerie ultramoderne inaugurée en 2016 par Interforum pour démultiplier l’offre de livres auprès des libraires. C’est ce qui l’a notamment conduit, en 2005, à faire adhérer Editis à l’Adelc (Association pour le développement de la libraire de création), dont on sait le rôle majeur qu’elle joue, depuis 1988, pour la diversité de la librairie, sans laquelle la création éditoriale serait simplement impossible.

L’avenir du livre: c’est de cela dont nous discutions encore avec passion la dernière fois que je l’ai rencontré, une semaine seulement avant sa disparition. Merci Alain !

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