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Dossier Classes préparatoires : retour à la normale

Olivier Dion

Dossier Classes préparatoires : retour à la normale

Après avoir bénéficié de la réforme des programmes, le marché du livre à destination des classes prépas retrouve un niveau et des rythmes plus classiques. Les éditeurs procèdent à de nouvelles refontes d’envergure tout en ciblant de nouveaux segments.

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Par Charles Knappek,
Créé le 27.04.2017 à 21h32 ,
Mis à jour le 28.04.2017 à 10h40

Pour les éditeurs spécialisés, les années fastes qui ont suivi la grande réforme des programmes des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) de 2013-2014 sont désormais passées. Après les pics de vente des démarrages et le développement dans un second temps du marché de l’occasion, le rayon a retrouvé son rythme de croisière. En chiffres, cela se traduit par une baisse de 14,9 % en valeur de l’activité par rapport à l’année dernière selon les données GFK (voir graphiques). Rien d’anormal pour des éditeurs habitués à gérer le flux et le reflux saisonniers des ventes. "La réforme avait remis les compteurs à zéro. Nous devons à nouveau composer avec le marché de l’occasion, décrypte Jean-Luc Blanc, responsable éditorial des classes prépas scientifiques chez Dunod. En général nous remettons nos titres à jour tous les trois ans et cela permet de relancer les ventes."

Réorganiser les collections

De fait, les éditeurs ne restent pas inactifs. Pour la rentrée 2017, Dunod proposera une quinzaine de nouvelles éditions et encore quelques nouveautés ciblées en prépas scientifiques comme deux titres dans la sous-série Méthodes et exercices consacrés à la physique pour les 2es années de PSI et de PC. Très présent sur le marché des prépas commerciales en géopolitique, Nathan entame également un cycle de nouvelles éditions de la quasi-intégralité de ses titres. L’éditeur en profite pour proposer de nouvelles couvertures et renforcer ses compléments numériques. "Sur certains titres nous ajoutons de la méthodologie en ligne pour la préparation aux concours", explique Séverine Martineau, directrice éditoriale adjointe chez Nathan. De son côté, Lavoisier-Tec & Doc réorganise complètement son catalogue en renommant ses collections. "Compétences prépas" devient "Le cours complet" ; "Performance concours" se mue en "Le tout-en-un" tandis que la collection de révisions "L’indispensable en prépas" s’appelle désormais "L’essentiel". L’éditeur avait déjà procédé de la sorte en 2013. "L’objectif de cette refonte est de clarifier nos collections, aussi bien pour les étudiants que pour aider les libraires à s’y retrouver, explique Fabienne Roulleaux, directrice éditoriale chez Lavoisier-Tec & Doc. Cela nous permet aussi de les relancer en l’absence de réformes." Les nouveaux intitulés de collections reprennent les sous-titres qui apparaissaient sous les anciens noms. L’éditeur saisit l’occasion de la refonte pour ajouter aux cours déjà proposés les premiers exercices et annales corrigées disponibles.

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Outre une série de nouvelles éditions, Ellipses profite du fait que les annales des premiers concours sont suffisamment consistantes pour lancer une nouvelle collection d’annales corrigées et commentées couvrant essentiellement les matières des concours d’entrée aux écoles d’ingénieur de 2015, 2016 et 2017. "Pour chaque prépa et pour chaque matière, nous précisons sur la couverture à quelle banque de concours l’ouvrage correspond", souligne Manon Savoye, directrice éditoriale chez Ellipses. Malgré son fort tropisme scientifique, la collection propose également un titre d’annales corrigées en mathématiques pour les prépas commerciales option scientifique (ECS). Sur le front des nouveautés, Ellipses développe largement depuis un an son offre sur le langage informatique Python tandis que Lavoisier-Tec & Doc y consacre lui aussi une nouveauté.

Entré sur le marché en 2013 à l’occasion de la réforme, Vuibert poursuit de son côté sa percée en prépas scientifiques avec la parution de 9 nouveautés pour la rentrée 2017 dans sa collection "Vuibert prépas". La filiale du groupe Albin Michel y renforce aussi bien son offre de tout-en-un que de manuels d’entraînement et croit tout spécialement au potentiel de sa nouvelle offre en direction de la filière BCPST. "Les étudiants en BCPST sont moins nombreux mais très acheteurs", explique François Cohen, directeur de Vuibert. Outre un tout-en-un de biologie-géologie et un tout-en-un de mathématiques en "Vuibert prépas", l’éditeur propose un nouveau concept au sein de la collection sous la forme d’un mémento de biologie pour les 1res et 2es années. "L’ouvrage se présente sous la forme de fiches avec beaucoup de schémas, ajoute François Cohen. On est dans un concept inédit en phase avec les épreuves orales les plus redoutées du concours." Le dynamisme de la filière BCPST n’échappe pas non plus à Dunod qui renforce son offre avec un titre de physique-chimie pour les élèves de 2e année et avec un titre hors collection : Je réussis la biologie et la géologie en BCPST.

Studyrama se lance

Les acteurs en place devront aussi composer avec l’arrivée sur le marché de Studyrama. D’abord annoncé pour la rentrée 2016, l’éditeur publiera finalement ses premiers titres cet été au sein d’une collection de tout-en-un créée pour l’occasion, "Objectif : réussir sa prépa !". Studyrama, qui a racheté Bréal en 2014, publie donc sous sa propre marque et se concentre pour commencer sur les prépas commerciales avec neuf nouveautés essentiellement en mathématiques, géopolitique ou économie, sociologie et histoire du monde contemporain. "Nos ouvrages seront composés de trois parties, détaille Frédéric Vignaux, directeur de la maison. Le cours complet, des méthodes et applications et une troisième partie qui varie selon le niveau. Des sujets inédits corrigés pour les 1res années et des annales corrigés, des rapports de jury et des sujets inédits pour les 2es années." Pour 2018, l’éditeur annonce d’ores et déjà son intention de compléter son catalogue avec une série d’ouvrages d’exercices et d’entraînement dans les différentes matières déjà couvertes.

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Toujours sur le marché des prépas commerciales, Ellipses annonce pour cet été un ouvrage hors collection de 34 dissertations corrigées pour le sujet d’économie-sociologie-histoire en ECE et enrichit son offre pour les prépas ECS avec un concept de 30 minutes de révision par jour en histoire-géographie et géopolitique du monde contemporain. De son côté, Dunod a retardé la publication de quelques ouvrages importants et toujours manquants à son catalogue, ayant travaillé en priorité en 2017 le développement de son offre sur le marché des concours. Outre les gros manuels pour les prépas scientifiques, l’éditeur se place sur le créneau très disputé des thèmes de français-philosophie pour les scientifiques et de culture générale pour les économistes. "Nous avons une offre très étoffée pour le thème de français-philo en particulier, car c’est là qu’on trouve le plus grand nombre de candidats", justifie Josépha Mariotti, responsable éditoriale chez Dunod. Cette année encore, la concurrence est vive. Garnier-Flammarion, Dunod, Ellipses, H&K, Atlande, Vuibert, les Puf ou encore Armand Colin seront présents avec un ou plusieurs titres et divers concepts.

Sur des marchés plus spécifiques comme l’épreuve d’actualité en prépas commerciales, l’identité et le nombre des acteurs varient. Le leader Dunod avec Le meilleur de l’actualité n’est pas seul sur la niche, avec quelques challengers (Vuibert, Foucher) et nouveaux entrants (Puf). Après un premier test jugé positif l’an dernier, les Puf ont à nouveau publié en janvier leur propre ouvrage, Actualité 2016 : concours et examens 2017, avec un positionnement multicible assumé qui s’ouvre encore cette année. "Pour la première édition, nous avions mis en évidence les prépas des écoles de commerce, Sciences po et les écoles de journalisme. Cette année, nous ouvrons aussi aux candidats des concours de la fonction publique", explique Fanny Bouteiller, responsable d’édition manuels universitaires aux Puf. L’éditeur a aussi ajouté des compléments numériques téléchargeables qui étaient absents de la première édition et qui sont la règle chez tous les éditeurs.

Certains n’hésitent pas à aller sur la niche des prépas littéraires, même si ce n’est qu’avec un seul titre, comme H&K etson ouvrage Problématiques philosophiques, qui se présente sous la forme de dissertations très longues. "Nous étions plutôt hésitants à nous engager sur ce créneau mais il se vend très bien à l’échelle de son marché", confie Sébastien Desreux, gérant de H&K. Chez Armand Colin, Je réussis ma khâgne, paru en juin 2016, "fonctionne bien" selon Josépha Mariotti, mais pour le reste l’éditeur s’adresse surtout aux littéraires avec des ouvrages transversaux qui ciblent aussi un public universitaire. Même stratégie pour les Puf dont l’une des meilleures ventes en la matière, Grammaire méthodique du français, embrasse aussi bien la prépa que l’université. En retrait sur les prépas, Hachette Education maintient un volet de nouveautés dans ses collections "Les fondamentaux" et "Carré", là aussi dans une logique transversale : "Nous privilégions les thèmes susceptibles d’être prescrits. Depuis quelques années, nous avons réduit notre volume de nouveautés et avons surtout publié des nouvelles éditions pour entretenir le fonds. Nous avons moins de titres, mais ce sont des valeurs sûres", résume Cécile Labro, directrice des départements parascolaire, enseignement supérieur et pédagogie chez Hachette Education.

De son côté, Ellipses met un point d’honneur à maintenir une offre sur ce segment moins porteur. "Evidemment, on ne rentabilise pas de la même façon un livre de prépas pour les khâgneux dans notre collection sur les cultures antiques et un manuel de prépas scientifiques, mais nous avons à cœur d’être présent partout. Cela nous permet d’obtenir de bons résultats", indique Manon Savoye.

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En prépas plus qu’ailleurs, de bonnes mises en place restent l’enjeu principal. En particulier pour les éditeurs qui disposent d’une grande profondeur de catalogue. Ellipses, par exemple, jouit des bons résultats de ses collections phares "Référence sciences" ou "Prépas sciences", mais déplore le "manque de volontarisme" des libraires pour ses autres collections. "L’étudiant de prépas qui se déplace en librairie sait exactement ce qu’il veut. S’il ne le trouve pas immédiatement, il commande sur Internet et ensuite il est perdu pour le libraire, il ne reviendra plus", avertit Jean-Pierre Bénézet, fondateur et président du conseil de surveillance d’Ellipses. Pour convaincre les libraires de donner leur chance à ses livres, Ellipses propose donc des conditions commerciales très flexibles : "Nous acceptons tous les retours, ajoute Jean-Pierre Bénézet. Je préfère voir nos livres en librairie que dans nos stocks. Nous encourageons les libraires à les prendre pour limiter la progression des ventes en ligne. Plus un marché est étroit, plus les mises en place sont faibles, et plus les ventes en ligne sont importantes."

Les prépas en chiffres

En prépas dès le lycée

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Les élèves de classes préparatoires sont acheteurs, alors pourquoi ne pas s’adresser à eux dès le lycée ? Avant même d’avoir obtenu leur bac, les futurs taupins investissent volontiers dans des manuels leur permettant de parfaire leurs connaissances pendant les vacances scolaires. Les éditeurs répondent présent : Lavoisier lance avec un premier titre une nouvelle petite série intitulée Entrer en prépa, laquelle est en réalité le nouveau nom de l’ancienne série Passerelle pour la prépa. Elle pourrait être enrichie de plusieurs titres, toujours dans les matières scientifiques, si le succès est au rendez-vous. De la même manière et dans une logique plus généraliste, Bréal inaugure en septembre la collection "L’atout gagnant" qui propose aux lycéens de préparer dans les meilleures conditions leur entrée dans le supérieur. La collection n’est pas réservée aux futurs préparationnaires. Si un titre s’adresse aux futurs élèves de classes prépas commerciales, d’autres sont destinés aux lycéens qui souhaitent effectuer leur première année de médecine ou passer certains concours post-bac. L’an dernier, Bréal avait déjà innové avec deux cahiers de vacances permettant d’assurer la transition entre le lycée et les prépas commerciales ou scientifiques. L’expérience a été concluante selon Frédéric Vignaux, directeur de Studyrama, qui possède Bréal : "Chaque cahier s’est vendu à 2 000 exemplaires, surtout dans les salons. Nous publions de nouvelles éditions cette année et nous complétons avec deux nouveaux cahiers pour les prép’arts et la paces." De leur côté, les leaders du marché Ellipses et Dunod disposent aussi depuis longtemps d’une offre adaptée pour les futurs prépas. Dunod couvre les principales matières scientifiques avec sa collection "Visa pour la prépa" tandis qu’Ellipses a intégré dans sa grande collection de manuels "Prépas sciences" une série de titres spécifiques à la terminale, et dispose dans le même temps de la collection "Objectif prépa" pour les lycéens désireux de réviser dans des volumes distincts leurs cours de maths, de physique et de chimie.

Meilleures ventes : un goût pour la servitude

Quel meilleur exemple que le thème 2017-2018 de français-philosophie des classes préparatoires scientifiques - "Servitude et soumission" - pour résumer la condition d’étudiants angoissés par la perspective de passer leur concours d’entrée aux grandes écoles ? Soumis aux impératifs de la révision, les préparationnaires le sont indubitablement : 22 titres ayant trait à la servitude et à la soumission apparaissent parmi les 50 meilleures ventes de notre palmarès GFK/Livres Hebdo. Garnier-Flammarion s’y taille la part du lion avec les trois premières occurrences qui représentent de très loin l’essentiel des ventes. Les classes prépas commerciales font pâle figure en comparaison, avec seulement un titre traitant du thème de culture générale, la parole, chez Ellipses.

Mais si le volume est à chercher du côté des thèmes, la valeur se trouve bien du côté des gros ouvrages de cours, très demandés par les étudiants, en prépas aussi bien scientifiques que commerciales. Ellipses confirme ici son statut de leader du marché en plaçant 8 de ses manuels (5 en prépas scientifiques et 3 en commerciales) dans le classement, devant les 4 titres de Dunod (dont Le meilleur de l’actualité, leader sur son créneau) et l’unique ouvrage de Vuibert en prépas scientifiques, tout juste 50e.

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