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Dossier Auvergne-Rhône-Alpes : innover et transmettre

Quais du polar 2017. - Photo Claude Combet /LH

Dossier Auvergne-Rhône-Alpes : innover et transmettre

L’une des régions françaises les plus dynamiques pour le livre, Auvergne-Rhône-Alpes se déploie sur un territoire vaste et contrasté, dont les politiques doivent encore appréhender les spécificités après la fusion des deux entités.

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Par Benjamin Roure,
Créé le 19.05.2017 à 01h32 ,
Mis à jour le 19.05.2017 à 08h03

Avant la nouvelle carte des régions, Rhône-Alpes pouvait déjà se targuer d’être une des plus importantes pour le livre en France. Le nouvel ensemble avec l’Auvergne pèse mécaniquement encore plus lourd. "Même si Paca compte sans doute plus d’éditeurs, on peut dire qu’avec son réseau dense de librairies indépendantes, son grand nombre d’événements et une forte présence d’auteurs, Auvergne-Rhône-Alpes est la deuxième région de France pour le livre, après l’Ile-de-France", se félicite Laurent Bonzon, directeur de l’Arald, l’agence régionale du livre.

L’enjeu pour ce vaste territoire est aujourd’hui de pérenniser les bonnes pratiques et d’harmoniser les dispositifs. "En termes de librairie, par exemple, Rhône-Alpes est tirée par la dynamique des métropoles lyonnaise et grenobloise, ainsi que par l’espace frontalier suisse. En Auvergne, majoritairement rurale, on trouve plutôt des petites librairies de village qui n’ont pas besoin des mêmes aides." D’où un lissage des politiques régionales qui prend du temps. "Je n’ai aucune visibilité sur les aides pour l’an prochain, s’inquiète Patrice Rötig, fondateur des éditions Bleu autour, basées à Saint-Pourçain-sur-Sioule (Allier). Je crains que celles-ci, qui peuvent représenter jusqu’à 20 % de notre chiffre d’affaires, ne diminuent, en ne prenant plus en compte le travail d’édition et de maquette."

L’incertitude émanant du conseil régional, et de sa nouvelle majorité, concerne aussi le devenir de l’Arald, pivot de l’interprofession. Fabrice Boyer, président du groupe Auvergne de l’Association des bibliothécaires de France, réclame quant à lui "un relais local, à Clermont, si la future agence s’installe à Lyon, car les distances deviennent problématiques". "On est encore dans le flou avec la Région, les choses se mettent en place petit à petit", résume Olivia Benoist-Bombled, directrice artistique du Festival du premier roman de Chambéry.

Elsa Pallot et Benoît Reiss- Photo CHEYNE ÉDITEUR

Renouveler le public

Cette manifestation est par certains aspects emblématique des pistes à développer pour conquérir de nouveaux publics. Car si les aides régionales sont indispensables à la filière, les professionnels du livre savent que leur survie dépendra avant tout de leurs propres innovations. A Chambéry, le festival s’appuie depuis trente ans sur des comités de lecture, responsables de la programmation. Une bonne façon de faire vivre toute l’année un réseau de plus de 3 000 lecteurs, dont la moitié sont des jeunes scolarisés. "Nous allons aussi au contact de publics éloignés, en prison ou à l’hôpital, ajoute Olivia Benoist-Bombled. Notre ambition est d’attirer le maximum de gens vers la lecture. Nous essayons de trouver des liens entre littérature, théâtre, musique ou musée, afin d’établir des partenariats cohérents." Yann Nicol, directeur de la Fête du livre de Bron (35 000 visiteurs en trois jours), abonde : "Nous réfléchissons aux moyens de renouveler un public vieillissant. La dimension événementielle est essentielle, et les auteurs sont ouverts à des propositions hybrides, entre spectacle et lecture. Mais il convient de garder une certaine profondeur."

Sortir des cases, c’est le credo du festival Lyon BD, avec des partenariats internationaux, des spectacles autour du dessin, et même l’installation en 2016 de la plus grande BD du monde, dans le tunnel piéton de la Croix-Rousse. Et avant lui, il y a l’incontournable Quais du polar, ses 80 000 visiteurs, ses ciné-concerts, et ses 15 000 enquêteurs amateurs entre Rhône et Saône. Des initiatives populaires souvent coûteuses. "Nous n’avons pas les moyens d’aller vers le spectacle, regrette Françoise Lalot, responsable de la Semaine de la poésie à Clermont-Ferrand, un des plus importants événements littéraires d’Auvergne avec le Rendez-vous du carnet de voyage dans la même ville. Mais nous tentons de multiplier les rencontres toute l’année. Il nous manque maintenant une reconnaissance de la part de l’Education nationale."

Le lien avec le monde scolaire est au cœur du dispositif annuel des Assises internationales du roman (AIR), à Lyon. 58 classes de 7 départements participent au projet "Graines de critiques littéraires", qui voient leurs articles publiés dans la presse. "Les adolescents sont souvent dans l’ignorance de l’histoire et de la culture, et pourtant, pour peu qu’on les inclue dans un lieu vivant, ils en ont le goût", analyse Guy Walter, à la tête de la villa Gillet qui organise les AIR. Confronté lui aussi à des baisses de subvention, il se tourne vers des mécènes ou institutions privées, telles la chambre de commerce ou la Cité de la gastronomie. "Ces financements complémentaires marquent le début d’une belle aventure entre les mondes économique et culturel, dans le but d’une production de sens."

Se démarquer

De leur côté, dans une région bien maillée par les Fnac et Cultura, et où Decitre est historiquement implantée, les librairies indépendantes doivent se démarquer. Que ce soit au niveau social, quand l’ex-Chapitre de Clermont-Ferrand, Les Volcans, a rouvert sous la forme d’une Scop. Ou en termes de réseau : les spécialistes BD Fugue et Momie sont nées respectivement à Annecy et à Grenoble. Enfin, en matière de mutualisation : créée voilà dix ans, l’association Lira (Libraires indépendants en région Auvergne) a obtenu des fonds européens pour organiser des tournées d’auteurs dans ses quatre départements, et fonder un groupement d’employeurs, le Gecla. "Nous nous sommes inspirés du monde agricole et de ses paysans volants, détaille Bruno Goffi, coprésident de Lira. Les libraires, confrontés à un pic d’activité ou ayant un besoin ponctuel sur un salon ou pour un remplacement, peuvent faire appel au libraire volant. Ils paient une facture, les déclarations sociales et le salaire sont gérés par le Gecla." Ce dispositif intéresse toutes les régions françaises, à commencer par le territoire Rhône-Alpes. Là, la priorité a d’abord été de communiquer sur le service de proximité des librairies physiques, rappelle Marion Baudoin, déléguée de l’association Libraires en Rhône-Alpes. "Notre campagne "Chez mon libraire" a été vite adoptée par les professionnels. Elle s’est prolongée avec le lancement d’un site Web du même nom, permettant la visualisation et la réservation d’ouvrages chez 88 libraires de Rhône-Alpes, et dix auvergnats. Sa fréquentation augmente et devrait générer environ 200 000 euros cette année. L’idée n’est pas de concurrencer Amazon, mais de pousser les libraires à collaborer, car mieux vaut envoyer un client chez un confrère que de le laisser aller sur Internet. De plus, cela donne une image épatante du réseau."

Libraires en Rhône-Alpes multiplie par ailleurs les actions de formation et de conseil, auprès de professionnels installés comme des aspirants, et a mis en place un tutorat pour accompagner les débutants. "Nous encourageons davantage les reprises que les créations dans un réseau déjà dense, précise Marion Baudoin. En 2017, on compte une reprise effective, cinq en cours et deux créations." L’association a ainsi épaulé Daphné Coste dans son projet de reconversion. Cette ancienne professionnelle de l’aménagement du territoire a suivi une formation dédiée à la CCI de Lyon. "Neuf mois qui m’ont permis de comprendre comment monter un projet de A à Z et de m’insérer dans un réseau, raconte-t-elle. Ensuite, j’ai un fait un stage à la librairie Les Mots bleus à Fontaines-sur-Saône, que la gérante cherchait à céder." Soutenue par la Région pour les travaux d’aménagement et par une banque locale, la jeune femme de 31 ans est désormais seule à la barre de cette petite librairie au nord de Lyon, après un tuilage de trois mois avec la cédante. Les reprises peuvent aussi concerner des entreprises plus importantes, comme la Librairie de Paris, à Saint-Etienne, une "vieille dame de 55 ans, installée dans le paysage", sourit la nouvelle cogérante Alexandra Charroin. "Le propriétaire souhaitait céder à des libraires qui gardent les 25 membres du personnel. Il nous a grandement facilité la tâche. Et nous avons sollicité les conseils de libraires de la région, comme Lucioles à Vienne ou Forum Mirose à Roanne. Il y a forcément un expert d’une question particulière quelque part."

 

Créer et transmettre

La problématique de la transmission se retrouve aussi chez les éditeurs. Car si la grande région est polarisée sur Lyon et Grenoble, avec dans cette dernière le siège du géant de la BD Glénat ou les atypiques Presses universitaires de Grenoble, coopérative aux 500 auteurs sociétaires, plusieurs maisons de taille modeste ont dépassé les 30 ans d’existence, avec des catalogues imposants. Ainsi les éditions Jérôme Millon (Grenoble), Champ Vallon (Ceyzérieu, Ain) ou Créaphis (Grane, Drôme). Dans cette catégorie, Cheyne éditeur pourrait faire figure de modèle. A Devesset, entre l’Ardèche et la Haute-Loire, Jean-François Manier a laissé la main à une salariée et à un auteur de la maison. "Pour reprendre une maison comme Cheyne, on est obligé de marcher dans les pas de son fondateur, rester indépendant dans la fabrication, la diffusion et la distribution", observe Elsa Pallot. "Cette indépendance a fait ses preuves depuis trente-sept ans, elle permet de faire des choix forts et de prendre des risques, comme publier de jeunes poètes", s’enthousiasme Benoît Reiss. La transmission se fait en douceur, Jean-François Manier a pris soin de former ses successeurs, et passe régulièrement une tête là où trône encore un atelier de typographie au plomb et où se préparent les rencontres Lectures sous l’arbre. De son côté, Patrice Rötig, de Bleu autour, maison spécialisée en littérature étrangère, notamment turque, commence aussi à imaginer le passage de témoin, "à quelqu’un qui s’intégrerait dans ce qu’il n’a pas créé, et qu’[il] aiderait le temps nécessaire".

Mais en Auvergne, il y a aussi de jeunes pousses. Vincent Mathé, ingénieur en informatique, a profité d’un licenciement pour se lancer dans l’édition jeunesse, en 2014, à Clermont-Ferrand. "Au départ, c’était plutôt pour essayer quelque chose de nouveau, mais le succès de ma campagne de financement participatif, le côté rassurant des indemnités chômage et l’arrivée d’un associé m’ont poussé à en faire mon métier." Pour faire naître La Poule qui pond, il a harcelé de questions imprimeurs, libraires et surtout éditeurs locaux, tels L’Atelier du poisson soluble et Margot. Il s’est rapproché d’orthophonistes car, étant lui-même dyslexique, il souhaitait créer un catalogue d’albums d’aide à la lecture. "J’ai aussi fait un coup de poker : j’ai pris un salarié en emploi aidé pour assurer la diffusion et la distribution." Avec succès. Aujourd’hui, il développe un journal d’actualité illustré pour les enfants, Albert, qui a obtenu une bourse du ministère de la Culture. Et il continue de préfinancer ses livres sur Ulule. "Le financement participatif n’est pas un modèle économique, car il ne couvre qu’une petite partie des coûts. Mais c’est un outil de communication formidable ! J’espère que la future agence régionale du livre pourra financer un attaché de presse mutualisé pour des éditeurs locaux."

 

Maillage

Le financement participatif, c’est ce qui a sauvé la librairie jeunesse A titre d’aile. Cet établissement lyonnais a été fondé en 2006 par un couple d’éducateurs, sans formation. Au bout de dix ans de tâtonnements - faible rotation des stocks et trop grande part du chiffre d’affaires généré avec les collectivités, d’où une trésorerie exsangue -, il a failli fermer. Mais les habitués se sont mobilisés, suivis par les politiques et le Centre national du livre. Plus de 63 000 euros ont été récoltés via Ulule. "A partir de là, nous avons tout changé, raconte la libraire Carole Ohana. Nous avons cessé tous les marchés de collectivités, j’ai pu ainsi retrouver du temps pour revoir l’implantation, me former, découvrir enfin le métier dont je rêvais. Certaines collectivités reviennent nous voir et, en échange de conseils personnalisés, sont prêtes à accepter nos conditions : 5 % de remise et pas de livraison. Des librairies du réseau Sorcières me disent être intéressées par cette démarche."

Outre ce cas particulier, peut-être symptomatique de changements à venir, les relations librairies-bibliothèques doivent évoluer, notamment avec l’abaissement des seuils des marchés publics. L’Arald et l’Association des bibliothécaires de France vont ainsi publier un vade-mecum sur les appels d’offres. D’une manière générale, le territoire se transforme dans une bonne dynamique, malgré les baisses de dotations. Quand on déplore des fermetures d’établissements à Grenoble ou une réduction de surface à Givors, on réhabilite à Moulins, Aurillac, Issoire, on ouvre à Belleville-sur-Saône ou Vaulx-en-Velin, on entrevoit des projets à Riom ainsi qu’à Clermont-Ferrand, avec une médiathèque centrale à l’horizon 2022. La réforme territoriale, avec la naissance des métropoles et des nouvelles intercommunalités, influe aussi sur les réseaux. Par exemple, les bibliothèques du Pays voironnais (Isère) ont unifié leurs tarifs et leurs services, à l’instar de leurs voisines du Grésivaudan. Dans ce nouveau maillage, avec en sus de nouvelles compétences en matière de lecture publique des métropoles, se pose la question de la place des bibliothèques départementales de prêt (BDP). Surtout si l’échelon département est amené à disparaître. "Dans cette hypothèse, les BDP devront se faire reconnaître comme actrices de l’ingénierie publique culturelle, qui peuvent apporter expertise et conseil dans les territoires ruraux", souligne Marie Baudière, directrice de la médiathèque de la Drôme. Mais cette configuration n’est pas encore d’actualité, puisque la fusion de l’échelon supérieur, la Région, n’est pas encore digérée dans tous les secteurs, le livre en premier lieu. Patience.

Florence Verney-Carron : "L’avenir de l’Arald n’est pas encore tranché"

 

Harmonisation des dispositifs, soutien à la librairie, devenir de l’agence du livre… Florence Verney-Carron, vice-présidente déléguée à la culture et au patrimoine du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, fait le point sur les dossiers chauds.

 

"Le soutien au livre est inscrit dès l’origine dans notre projet de politique culturelle." Florence Verney-Carron- Photo RÉGION AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

Florence Verney-Carron - D’abord, je ne raisonne pas selon une différence de territoires, car nous avons commencé notre mandat sur la grande région et nous l’appréhendons comme telle, même si l’équité territoriale est un objectif. Nous nous efforçons d’harmoniser les dispositifs en choisissant les plus complets de ceux qui existent. Par exemple, les aides à la publication de Rhône-Alpes ont été étendues en Auvergne. Le soutien au livre est inscrit dès l’origine dans notre projet de politique culturelle.

Il ne baisse pas au global. Néanmoins, il faut évaluer les dispositifs existants, pour qu’ils soient le plus possible en phase avec le secteur. On parle bien d’industries culturelles, c’est-à-dire des projets d’entreprise à accompagner. Nous réfléchissons ainsi à un contrat de filière, dans le cadre d’un chantier de réflexion avec la Drac et le CNL. Cette réflexion sera menée dans le courant de l’année avec les services économiques, afin de renforcer et viabiliser la filière livre.

Oui, les festivals correspondent à l’idée de notre majorité d’une culture pour tous, au plus près des citoyens, et qui offre des retombées économiques.

La question est encore en cours de réflexion. Nous étudions plusieurs hypothèses avec la Drac. L’idée est qu’il faut une agence qui soit présente partout, mais le territoire est immense et, par ailleurs, l’Arald a développé une activité très spécifique sur la région. La question sera tranchée dans l’année.

Les deux anciennes cartes à destination des lycéens ont été fusionnées en une unique Carte Jeune, qui leur permettra d’acheter leurs manuels dans les librairies indépendantes, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici en Auvergne. Les 8 euros de "livres loisirs" seront également accessibles aux jeunes Auvergnats.

Ce n’est pas certain. La question se pose avec les éditeurs, dans un salon où certains se plaignent de la place qui se réduit et du chiffre d’affaires qui n’est pas toujours au rendez-vous. La Région investit 130 000 euros dans ce salon, il faut réfléchir pour savoir si cette somme ne serait pas mieux investie ailleurs pour le livre.

"L’édition, un mode de vie"

 

La Fosse aux ours, "éditeur de littérature à Lyon mais pas éditeur lyonnais", fait son trou paisiblement depuis vingt ans.

 

Pierre-Jean Balzan- Photo LA FOSSE AUX OURS

On est ici dans l’appartement de ma belle-mère. Si elle voyait ce bazar…" Pierre-Jean Balzan zigzague entre les cartons et piles de livres qui jonchent le sol du capharnaüm qui sert de bureau aux éditions de la Fosse aux ours, qu’il a créées à Lyon voilà vingt ans. "Et encore, je reçois les manuscrits directement au siège social, c’est-à-dire chez moi." Un immeuble à deux pas, au bord du Rhône, où se situait auparavant un square circulaire en creux, une fosse.

Il faut remonter à 1997, pour s’imaginer un juriste en office HLM de 33 ans, qui quitte son boulot pour accomplir son rêve de toujours. "J’avais lu un traité d’édition qui préconisait de démarrer avec 300 000 francs. Je n’en avais pas le dixième. Mais je me suis lancé quand même, seul, faisant le tour de France des librairies avec mes premiers livres. Au bout d’un an, je recommençais à passer des entretiens pour retrouver un vrai boulot… C’est alors que Michel Polac a parlé de Mon grain de sable sur France Inter. J’allais pouvoir continuer." Cette instabilité est encore de mise aujourd’hui, surtout avec des tirages en baisse. "Je publie quatre ou cinq livres par an, je suis toujours à la recherche du bouquin qui me fera tenir jusqu’à l’année suivante. Alors, quand je ne vends pas, j’hiberne. D’ailleurs, je ressemble de plus en plus à un ours. Je grossis, je grogne comme Clint Eastwood dans Gran Torino."

Il exagère un peu, cet ex-rugbyman dont le regard pétille quand il appose les autocollants, représentant un tableau ou une photo, sur les couvertures unies de ses ouvrages. "Je suis encore tout excité quand je reçois la livraison de l’imprimeur", avoue-t-il. Mais pourquoi la maison - qui compte 130 titres au catalogue, dont les droits d’une vingtaine ont été vendus en poche - ne s’est-elle pas davantage développée en vingt ans ? "J’aime bien tout contrôler, j’aime travailler avec les auteurs et les libraires. C’est tout. Le développement ne m’intéresse pas en soi. L’édition est pour moi un mode de vie."

"Que les gens viennent, ils achèteront plus tard!"

Jean-Christophe Faure- Photo ALIMENTATION GÉNÉRALE

Dans le réseau dense de librairies d’Auvergne-Rhône-Alpes, rares sont les créations ex nihilo. Mais à Saillans, 1 300 habitants, entre le Vercors et la Drôme provençale, vient d’ouvrir Alimentation générale. Son fondateur, Jean-Christophe Faure, globe-trotter de 51 ans, ex-journaliste pour des ONG, raconte son projet : "Saillans a beau être un village, il compte tout de même 40 associations, un théâtre, une bibliothèque, un ciné-club, un festival de polar… J’y vis depuis dix ans et je constate cet appétit culturel. J’ai souhaité offrir un nouveau lieu de rencontre autour du livre, pour les locaux comme pour les touristes. Mon objectif n’est pas d’en vivre, mais de voir si le projet se justifie économiquement afin, d’ici à deux ou trois ans, de créer un poste de salarié, et de poursuivre d’autres activités à côté. Un financement participatif a permis, outre un appel d’air en termes de communication, d’acheter les matériaux pour aménager ce qui était une sorte de cave, vacante depuis soixante ans. Avec des proches, nous avons fait les travaux nous-mêmes, en échange d’une exemption de loyer. Enfin, je suis parti sans aucun endettement et je ne prends pas d’office. Je n’ai pas non plus sollicité de subvention, car je préfère attendre d’apprendre le métier, et surtout de voir si mon idée fonctionne, avant de réclamer de l’argent public. L’objectif est de constituer un fonds de trésorerie tranquillement, et ça démarre plutôt bien ! Théâtre, poésie, jeunesse, livres de voyage, ouvrages bilingues, nous vendons un peu de tout, même du chocolat. L’idée est que les gens viennent, feuillettent, discutent, s’approprient le lieu. Ils achèteront plus tard !"

Voir LH 1125, du 14.4.2017, p. 30.

Lyon BD, le salut par la com’

 

Le festival lyonnais, dont la 12e édition se tiendra les 10 et 11 juin, se mue parfois en prestataire pour des entreprises.

 

Mathieu Diez- Photo PAPLUQUET

A Lyon, aux côtés des incontournables Quais du polar ou Fête du livre de Bron, Lyon BD se fait peu à peu une place de choix. Né sous un petit chapiteau sur le plateau de la Croix-Rousse voilà douze ans, le festival occupe désormais le centre-ville tout un week-end début juin (en 2017, les 10 et 11 juin), et plusieurs de ses musées un peu toute l’année. "On est entrés dans la plupart des institutions lyonnaises, se félicite son directeur, Mathieu Diez, qui est par ailleurs conseiller artistique BD pour l’Institut français à la prochaine Foire de Francfort. De projets anecdotiques au début, nous sommes passés à de véritables coproductions." Telle l’actuelle exposition du musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique, "Bande dessinée, l’art invisible". Parallèlement, l’équipe développe une activité baptisée Lyon BD Events. "En 2014, alors qu’un de nos sponsors avait été contraint de baisser sa subvention de 20 000 euros, à une semaine du festival, nous nous sommes résolus à aller chercher des financements privés, relate Mathieu Diez. L’idée est de proposer notre savoir-faire à des entreprises qui ont besoin d’animer des événements ou de créer des supports de communication interne." Spectacle d’improvisation BD, dessins en direct pendant une conférence, création d’un mini-album pour expliquer les valeurs d’une start-up aux nouveaux embauchés… Lyon BD écoute les besoins, avance son expertise et trouve les bons auteurs pour la bonne prestation. Une vraie agence de communication en somme ? "Oui et non, car nos clients cherchent la liberté de ton et de création des auteurs, et non de simples exécutants chargés de mettre en image leur message. Pour Lyon BD, c’est un levier qui pourrait garantir sa pérennité et son indépendance économique. Et pour les auteurs, c’est un moyen intéressant de vivre de leur travail." En 2016, sur 380 000 euros de budget, Lyon BD a reversé 70 000 euros aux auteurs, interventions sur le festival, publications d’albums et prestations Events confondues.

Dans la Drôme, la BDP invente la lecture publique de demain

 

Depuis la fin des années 1980, la bibliothèque départementale de prêt de la Drôme expérimente des dispositifs d’ouverture au public avec succès. Le prochain cap : le déploiement des ressources numériques sur le territoire.

 

Marie Baudière- Photo DR/BDP DRÔME

Dans le département le plus méridional d’Auvergne-Rhône-Alpes, on ne fait pas toujours les choses comme les autres. Et parfois, ça marche. Depuis trente ans, le conseil départemental mène une politique ambitieuse pour sa bibliothèque de prêt. Ainsi, en plus du site de Valence, quatre véritables médiathèques, et non de simples annexes, sont nées à Die, Saint-Vallier, Nyons et Crest. "Elles remplissent une double mission : desservir les bibliothèques municipales ou intercommunales de leur ressort, et accueillir le public", résume Marie Baudière, directrice de la médiathèque départementale. En réfléchissant au maillage territorial en amont, et surtout en mutualisant ces deux missions, la BDP drômoise constate des gains en termes d’efficacité. Un exemple : entre 2013 et 2015, 46 bibliothèques sur 115 sont montées en niveau. Le modèle serait-il transposable ailleurs ? "La réussite drômoise, c’est que le département a porté d’emblée la mutualisation. Sinon, les moyens à mettre en œuvre auraient été trop importants." En cette période de contraintes budgétaires, la BDP de la Drôme peut se rassurer, avec un plan numérique d’un million d’euros sur trois ans. "L’objectif est de rendre accessible à tous, surtout en zone rurale, la diversité des pratiques numériques. Et de proposer à chaque bibliothèque une offre numérique adaptée. Par exemple, à la suite du déploiement d’une flotte de liseuses, nous lançons des prêts d’Pad. Pour ce faire, nous organisons des formations pour que tous les agents deviennent autonomes sur le numérique." Autre projet dans les cartons, une bibliothèque numérique nomade, en partenariat avec un FabLab, qui pourrait être déployée sur un événement ou un site de lecture publique. "Cela représente aussi un enjeu de communication : rappeler que les bibliothèques sont des centres de diffusion de la culture."

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