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"J’y suis allé en 2010. Le prétexte était de me rendre à l’anniversaire de Kim Jong-il, le fils de Kim Il-sung. Pendant dix jours, le flic qui me suivait ne m’a pas quitté d’un mètre." Jean-Louis de Monstesquiou ironise encore sur ce voyage en Corée du Nord. "Je voulais flairer le pays. Et en bon khâgneux que je fus, j’ai acheté une trentaine de livres en anglais publiés localement. Tous évidemment relevaient de la propagande. Mais c’était une mine pour comprendre ce qui passait dans les têtes." A partir de cette documentation, le petit-neveu de Robert de Montesquiou, le baron qui inspira Proust pour son Charlus, a retracé dans Un aller simple pour Pyongyang l’histoire vraie de quatre soldats américains qui traversent la zone démilitarisée en 1962. Ils resteront trente ans chez Kim Il-sung. Le temps de découvrir une culture, un pays organisé autour du culte rendu au président fondateur, l’attente d’une libération prochaine, et l’ennui.

Jean-Louis de Montesquiou n’en est pas à sa première escapade romanesque, toujours sur fond d’histoire. "Cela me rassure. Il me faut cette épaisseur-là pour construire une trame." Dans un précédent récit intitulé Mont Athos, il racontait les déboires d’un pilote anglais de la Royal Air Force qui trouve refuge dans un monastère après la panne de son Hurricane en 1941. "Je me suis rendu au mont Athos une dizaine de fois. J’ai besoin de voir avant d’écrire."

 

Finance internationale

Le passage des chiffres aux lettres n’était pourtant pas évident pour cet ancien banquier d’affaires. Après des études de lettres et de droit, il entre à 23 ans chez J.P. Morgan, puis à l’Union des banques suisses (UBS) France dont il devient président du directoire. Pendant trente ans, aux Etats-Unis ou en Angleterre, il sert la finance internationale. Tout en écrivant et en prenant des notes chez les auteurs qu’il admire comme Hemingway. "Dans la banque d’affaires, on ne fait pas de vieux os et le carrosse redevient citrouille plus vite que prévu."

Après 50 ans, il entame une nouvelle vie. En 2004, il rompt avec les assemblées d’actionnaires et les comités de direction en gardant son appétence pour les lieux inspirés. Sur ses fonds propres, il fonde un magazine, Vasco. Dans ce trimestriel, il souhaite montrer les villes telles qu’elles sont vécues par les gens, avec leurs histoires. "Le Caire était celui de Mahfouz, celui de la dernière danseuse du ventre ou du libraire que nous avions rencontré." Quinze numéros verront le jour. Puis c’est l’aventure de Books, lancé en 2008 avec Olivier Postel-Vinay. "Je fais 10 % du journal avec une traduction, une chronique et deux articles."

Aujourd’hui, Jean-Louis de Monstesquiou s’occupe encore de petites banques en Afrique, mais dans une démarche bénévole. Il en profite pour se rendre en Ouganda car il travaille sur une biographie d’Idi Amin Dada, à paraître chez Perrin en 2019. "L’écriture est pour moi un supplément de vie." Et quand on lui demande s’il a été influencé par le style proustien, il esquisse un sourire. "J’aime mieux les phrases courtes."

Laurent Lemire

Aller simple pour Pyongyang de Jean-Louis de Montesquiou, Exils. Prix : 20 euros, 240 p. Sortie : 11 janvier. ISBN : 978-2-912969-80-4

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