6 février > Poésie Chine

Le 8 octobre 2010, le prix Nobel de la paix était décerné à Liu Xiaobo. Infatigable défenseur des droits de l’homme, dans l’un des pays du monde où ils sont le plus bafoués, M. Liu n’a jamais pu venir chercher son prix : depuis 1989, il vit soit en prison, soit en camp de rééducation, soit chez lui, à Pékin, mais en résidence surveillée. Né en 1955, universitaire, écrivain, intellectuel critique, c’est l’une des pires bêtes noires du régime communiste chinois.

La vie de Liu Xiaobo a basculé le 4 juin 1989, place Tian’anmen, où il fit partie du dernier carré d’irréductibles à avoir tenté de résister face aux chars de l’Armée populaire de libération. On sait ce qu’il en advint : d’abord des massacres, puis une répression impitoyable des opposants, notamment dans les milieux intellectuels, suivie d’une reprise en main idéologique. En dépit de périodes de relative accalmie, les artistes et les écrivains sont toujours dans le collimateur. Ai Weiwei en sait quelque chose, Liu Xiaobo aussi - saisie des biens, filature, écoutes téléphoniques, espionnage de ses courriels, arrestations, internement dans des camps, prison… -, mais il n’a jamais renoncé depuis vingt-cinq ans. « Je suis devenu un rocher dur/Qui face à n’importe quel coup de fouet de la politique de terreur/Reste ferme et glacial/Perpétuellement insensible », écrivait-il dans son «Elégie du 4 juin 2004 ».

Car, chaque 4 juin depuis Tian’anmen, Liu Xiaobo écrit un long poème en hommage à ses jeunes camarades tombés sous les coups des soldats. Ceux qu’il appelle ses « âmes mortes », et dont il décrit le martyre, y revenant sans cesse. « Je suis survivant d’un désastre », dit-il. On relève, dans ses textes, nombre d’allusions à Auschwitz, ainsi qu’une grande ferveur chrétienne. « Même si elle n’a jamais lu la Bible/Dieu ne l’abandonnera pas », écrit-il à propos d’une femme debout face aux tanks. Déploration funèbre, exposé de sa situation personnelle, ses poèmes véhiculent aussi des critiques féroces des dirigeants du PCC, de la corruption, de « la décomposition du capitalisme » et de « l’agonie du communisme ». Avec, parfois, une timide note d’espoir : « un jour viendra »

Le présent recueil se clôt en 2009. Mais Liu Xiaobo, où qu’il se trouve, a forcément poursuivi son œuvre de mémoire. Pourra-t-on lire son «Elégie du 4 juin 2014 » ? J.-C. P.

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