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Angoulême: course contre la montre des habitants pour sauver une librairie

La librairie MCL, à Angoulême, doit fermer le 31 juillet.

Angoulême: course contre la montre des habitants pour sauver une librairie

La librairie indépendante MCL à Angoulême existe depuis près de vingt ans. Mais le 31 juillet, ses gérants mettront la clé sous la porte, sans avoir trouvé de successeur. Pour sauver MCL, des habitants ont le projet de la reprendre en librairie associative. Reste que face aux réalités économiques, les délais sont courts.

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Par Maïa Courtois,
Créé le 20.07.2018 à 18h00

Ils sont une trentaine d’Angoumoisins à se réunir régulièrement (et plus de trois cent à suivre le projet sur une page facebook dédiée), pour que ne meure pas la librairie MCL. Nichée rue de l’Évêché dans le cœur historique de la ville, cette librairie est devenue pour eux, en vingt années existence, une institution. Le couple de gérants formé par Jean-Paul et Catherine Coumont part à la retraite fin juillet, sans avoir trouvé de successeur. Les habitants tentent de mettre sur pied un projet de reprise associative.
 
Après avoir appris la nouvelle en juin, tous se sont répartis l’écriture du projet et les prises de contacts. Réunis lundi 16 juillet, les habitants ont fait le point sur leurs visites réalisées auprès de librairies basées sur un modèle coopératif. Parmi elles, la Belle Aventure à Poitiers, ou Envie2E et La Drôle d’épicerie, toutes deux à Angoulême.

À l’origine de leur mobilisation, il y a un "rapport affectif: ce triangle entre le livre, le libraire et le lecteur", décrit Joël Tetard, qui fait partie de ceux qui ont impulsé le projet, d’abord à partir des réseaux sociaux, puis en organisant les cycles de réunions. "Jean-Paul, on entrait dans sa librairie avec l’idée d’un bouquin, on en ressortait avec plusieurs auxquels on n’avait même pas pensé !" s’amuse-t-il.
 
Mais pour sauver ce lieu tant apprécié par ses habitués, des questions demeurent. Quel statut adopter ? Une Scop (société coopérative et participative) ou une Scic (société coopérative d’intérêt collectif) ? Quelle implication de chacun et chacune, si la librairie est conservée ? Reste aussi à décider s’il s’agit de maintenir une simple librairie, ou d’en faire "le noyau d’un tiers lieu culturel", avec café littéraire, échanges et débats, expositions,…
 
"Le temps de la réalité économique n’est pas celui de la culture"
 
Les habitants ont multiplié les contacts pour trouver un libraire professionnel apte à gérer la coopérative. À ce jour, trois libraires, dont deux d’Angoulême, se sont dit intéressés. L’ancienne employée de MCL, et une étudiante dans le secteur, se sont également dit prêtes à être salariées. Mais le temps presse. "On est face à la nécessité d’aller très vite si on souhaite prolonger la vie de la librairie. Il faut éviter l’évaporation des clients vers d’autres librairies" juge Joël Tetard.
 
Le collectif a jusqu’au mois d’octobre pour présenter un projet viable. Ce délai, c’est celui que leur a laissé le propriétaire des lieux. Le local de la librairie et les trois étages au-dessus appartiennent à l’agence Bersi Immobilier. "La balle est entre les mains du propriétaire. Nous sommes en dehors de ça… Je souhaite qu’il y ait une continuité, mais ça ne dépend pas de nous", explique Jean-Paul Coumont, le patron de la librairie. À 67 et 68 ans, lui et sa femme ne se voyaient pas "repartir pour un an". Et depuis deux ans qu’ils cherchent un successeur, aucun contact n'a abouti.
 
Damien Kohler, le dirigeant de Bersi Immobilier, n’a pas voulu fermer la porte aux habitants venus lui soumettre leur initiative. "Le bail étant terminé, à titre personnel, j’aurais préféré vendre le local. En tant que propriétaire, mon intérêt c’est de vendre au plus vite ! Mais en tant qu’acteur économique d’Angoulême, je suis sensible à l’idée de conserver une librairie, et serais heureux que se maintienne un lieu connu et apprécié de beaucoup." Le propriétaire a demandé au collectif de trancher sur la faisabilité du projet d’ici fin août, puis de lui transmettre un dossier de reprise viable d’ici octobre. "Ce qui me fait peur dans ce montage, c’est l’attente. Le temps de la réalité économique n’est pas celui de la culture ! Entre l’idée d’un collectif, et les contraintes économiques, il y a un monde…"
 
200000 euros serait nécessaire, selon une estimation du collectif, pour monter le projet. Un soutien à aller chercher dans une campagne participative, mais aussi du côté des fonds publics. "Pour septembre ça va être dur", s’inquiète Joël Tetard, qui souligne avec lucidité: "je trouve un grand intérêt à cette dynamique de groupe: c’est de la démocratie au jour le jour, on s’approprie des outils collaboratifs… On a très bien fait de lancer ce mouvement. C’est juste dommage qu’on ait pas eu un an de plus…" La prochaine réunion du collectif aura lieu le 24 juillet. Pour le moment, personne ne baisse les bras.   
 

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